Source[Le Figaro] Retard à l'école, culture de l'immaturité, misère sexuelle : la révolution féministe et l'avènement d'une société égalitaire ont engendré une crise de la masculinité sans précédent. Un phénomène qui commence à peine à être étudié.
«L'Occident a perdu foi dans la masculinité»: c'est le titre d'une conférence de l'universitaire canadien Jordan Peterson, inconnu il y a deux ans, devenu, selon le New York Times , «l'intellectuel le plus vénéré et plus injurié» d'Internet. Ce professeur de psychologie doit son succès à ses passes d'armes à la télévision avec des militantes féministes dont il démonte implacablement l'argumentaire, notamment sur les inégalités salariales. Le succès planétaire de Peterson (des millions de vues sur YouTube) est révélateur d'un phénomène qui passe au second plan, tant l'attention est retenue par la révolution «MeToo»: celle d'une inquiétude de plus en plus partagée autour de la masculinité des hommes occidentaux. Derrière la vague d'indignation contre une domination masculine qui serait encore visible à travers le harcèlement sexuel, se cache une autre vérité: celle d'un déclassement généralisé du mâle.
Le thème est en vogue au pays des gender-studies. En 2006, le professeur américain spécialiste de Tocqueville et de Machiavel, Harvey Mansfield, avait publié un essai, Manliness, dans lequel il tentait de définir les contours et la positivité de la virilité dans une société occidentale de plus en plus neutre. Le livre consterna l'intelligentsia new-yorkaise mais fit des émules. Notamment le site «The Art of Manliness», créé en 2008, qui prodigue conseils pratiques et théoriques (de «comment réparer soi-même ses essuie-glaces» à «comment savoir si une femme vous aime») pour «être un homme» à des millions de visiteurs.
Le succès de ce site américain a inspiré Julien Rochedy, ancien président de la section jeunesse du Front national, qui vient de créer «Major», une plateforme adressée au public français. Barbe impeccablement taillée, cheveux gominés, t-shirt noir seyant, sur fond de bibliothèque, le trentenaire explique face caméra, d'une voix posée, les «dix pensées que les hommes doivent connaître». «Pendant des siècles et des siècles, les hommes ont cherché à devenir des hommes, bon, ça s'est arrêté il y a peu, mais pendant des siècles ça a été comme ça.» Pour enrayer cette «décadence», le jeune homme vient de lancer cette plateforme. On y trouve des posts de blog - «pourquoi les hommes doivent tenir l'alcool», «quand frapper en cas d'agression» -, mais aussi une offre payante, la session «alpha», composée de vidéos et de fiches philosophiques fortement imprégnées de nietzschéisme.
Mansfied, Peterson et, dans une moindre mesure, Rochedy sont la version chic et structurée d'une réaction masculiniste qui prend parfois des atours plus primitifs: on la retrouve dans les bandes dessinées de l'auteur à succès Marsault, qui prône une virilité décomplexée et violente - tatouages, crânes rasés et fusils à pompe -, chez le blogueur «Papacito», créateur de «fils de la pute de la mode», ou autres disciples plus au moins rebelles du polémiste antisémite Alain Soral, premier à avoir conspué dans ses vidéos la «féminisation» du monde et la «misère du désir». Cet imaginaire culmine dans la culture «alt-right» qui s'exprime beaucoup sur Internet où des «trolls» fustigent des «cucks», ces «hommes qui cherchent sans cesse l'approbation des femmes». Cette culture peut prendre parfois un tour tragique et criminel. Le 23 avril 2018, à Toronto, Alek Minassian, 25 ans, a fauché au volant de sa Chevrolet blanche dix personnes, dont huit femmes. Membre des Incels, un groupe de célibataires involontaires, il avait affiché sur Facebook sa volonté de tuer un maximum de «Chad et de Stacy», noms que donnent ces jeunes hommes frustrés aux beaux gosses des deux sexes.
Ces réactions masculinistes marginales font système avec un discours féministe militant sur une masculinité «toxique» qu'il conviendrait d'épurer, parfois doublé d'une tonalité carrément revancharde («Il est temps que les hommes fassent l'expérience de la minorité» a, par exemple, affirmé récemment l'ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira). Mais il ne faudrait pas réduire le débat à cette dialectique outrancière. Le sentiment le plus général est celui d'un malaise diffus: la difficulté de plus en plus grande qu'ont les hommes occidentaux à trouver leur place dans une société de plus en plus égalitaire. Ce malaise inspire de nombreuses publications et controverses, aussi bien aux États-Unis qu'en France. Ainsi le 21 mai dernier, au Théâtre de l'Œuvre, à Paris, l'essayiste Natacha Polony organisait une table ronde au titre évocateur: «Le mâle, une espèce menacée?», en présence de la chercheuse Olivia Gazalé, auteur du Mythe de la virilité, de l'essayiste Peggy Sastre et du psychiatre Jean-François Bezot.
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