Source [Atlantico] : Un projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique est en cours d’examen à l’Assemblée Nationale. Le commissaire européen Thierry Breton a envoyé à la France une mise en demeure imposant un gel d’au moins trois mois du processus.
Depuis le mois de mai, un projet de loi visant à réguler et sécuriser l’espace numérique est en cours d’examen. Après un passage au Sénat début juillet, et à l’Assemblée nationale début octobre, le texte voguait vers une issue paisible, avec une ratification des conclusions de CMP prévue à l’ordre du jour du Sénat le 8 novembre.
Un gros grain de sable est venu gripper cette belle mécanique, et rend l’issue du processus beaucoup plus lointain, et le contenu du texte beaucoup plus incertain. Le commissaire européen Thierry Breton, chargé du marché intérieur et donc de la régulation du numérique, a envoyé à la France une mise en demeure (un avis circonstancié en jargon bruxellois) imposant un gel d’au moins trois mois du processus.
Il s’agit d’un rappel, particulièrement sec, d’un principe qui existe pourtant depuis des décennies, celui de la primauté du droit européen sur le droit national. Le législateur national ne peut pas venir empiéter sur les platebandes de Bruxelles, et si une loi française est en contradiction avec le droit européen, le juge peut décider de ne pas l’appliquer (éventuellement après avoir demandé des éclaircissements à la cour européenne de justice).
Ce qui est exceptionnel est l’intervention de la Commission européenne en cours de processus législatif. Dans son courrier, Thierry Breton tance la France sur plusieurs points, de fond comme de forme.
Sur le fond (le plus grave), il rappelle qu’un règlement européen de régulation des plateformes numériques, le DSA, vient tout juste d’entrer en vigueur. Il n’est donc pas possible, pour un parlement national, de rajouter des règles et obligations aux grandes plateformes. La France, sur ce coup, n’a aucune excuse, car elle a poussé à Bruxelles pour l’adoption de ce règlement. Le pire est que le fameux projet de loi Sren, objet du courroux bruxellois, transpose et aménage en droit français, des dispositions de ce règlement, tout en le piétinant dans d’autres articles, avec par exemple la création d’une peine de bannissement des réseaux sociaux. Un “en même temps” qui n’a pas été du goût de Bruxelles, d’où la sévérité, censée servir d’avertissement aux autres pays.
La Commission européenne s’en prend également à la France sur la procédure. Quand un pays souhaite adopter des lois sur un sujet qui est de la compétence de Bruxelles, il est obligatoire, avant adoption définitive, d’envoyer le texte à Bruxelles (cela s’appelle la notification) et d’attendre trois mois, pour avoir l’avis (et les éventuelles remarques) de la Commission. Or, pour deux propositions de loi examinées au printemps 2023, sur les influenceurs, et sur la majorité numérique, la France n’a pas respecté le délai. Elle a bien notifié les deux textes à Bruxelles, mais les a promulgués au bout d’un mois seulement. Paris avait reçu, pour ce manquement, un courrier salé de Thierry Breton. Le même manquement se profilant aussi pour la loi Sren, il est passé à la vitesse supérieure, considérant qu’il y avait récidive.
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