Source [Boulevard Voltaire] Les maisons hantées existent. Vous n’en avez peut-être pas tout à fait conscience, mais elles s’incrustent partout, dans votre salon, votre voiture, omniprésentes à l’insu de votre plein gré. Pire : vous les entretenez ; les murs, l’électricité, le chauffage en hiver, la clim en été, et leurs fantômes, surtout. Cette subsidiation porte un nom : la redevance audiovisuelle.
La Maison de la Radio appartient indubitablement au patrimoine républicain des maisons hantées. Autrefois inaugurée par Charles de Gaulle et André Malraux, aujourd’hui habitée non pas par ces illustres populistes, selon les critères maison, mais plutôt par des êtres fantomatiques dont la qualité primitive, à l’instar de tout djinn, est d’être par définition profondément déconnectés de la réalité, du présent, du concret – du vivant, somme toute. Des morts-vivants ou fantômes hors-sol, ayant pour qualité commune un entre-soi idéologique. L’actuelle présidente, Sibyle Petitjean, est une proche d’Emmanuel Macron, épouse de Sébastien Veil, petit-fils de Simone. Simone, dont l’esprit réside au Panthéon. Le monde est petit, tout le monde il est beau et si gentil.
Dans les alcôves de France Inter, Éric Delvaux, procureur en chef des matinales, accueillait Chantal Delsol, philosophe spécialiste de l’histoire des idées politiques, catholique conservatrice, en réaction à une récente tribune sur l’incapacité d’ouvrir un débat constructif sur (dixit Delvaux) « les migrants qui traversent les mers, pour trouver refuge chez nous ». Le choix des termes, leur cadence, sont des éléments lexicaux primordiaux chez les fantômes, car c’est par ce biais qu’ils essaient d’exorciser le réel et d’excommunier leur interlocuteur. Traverser les mers, trouver refuge. « Vous citez volontiers le chancelier autrichien Sebastian Kurz, allié avec l’extrême droite, qui inspire votre tribune, qui ne veut pas laisser les migrants dénaturer notre culture. En quoi les migrants seraient-il une menace à la culture chrétienne que vous soulignez ? » Le fantôme persiste : « Les migrants contribuent de manière décisive à la richesse économique et culturelle des pays qui les accueillent. » Et insiste : « À la place du mot intégration, des sociologues préfèrent parler d’inclusion sociale, pour que chacun apprenne à vivre en meilleure communauté multilingue, multiculturelle, pluri-religieuse : vous entendez ce discours ? »
Face au fantôme, Chantal Delsol, répond, stoïque, comme ceux, de plus en plus nombreux, qui, n’abusant pas du raisonnement par l’absurde, auraient répondu : « Les migrants comme une richesse certainement, mais avant d’être une richesse, c’est surtout une menace culturelle. » « La question n’est pas d’ouvrir les portes le plus largement possible pour des raisons morales, parce qu’un gouvernement n’est pas là uniquement pour faire de la morale, mais pour faire de la politique, et faire de la politique c’est faire passer les siècles à une société et à une culture. » Mais le fantôme demeure, dubitatif, noyé dans l’au-delà de ses convictions.
« Se confronter au terrain pollue l’esprit de l’éditorialiste », psalmodiait Christophe Barbier, fantôme à l’écharpe sanguine. La question qui se pose à nous, les encore vivants, possédés de l’Histoire et hantés par l’identité, est de l’utilité d’argumenter encore avec tous ces fantômes pluriels. Ne plus croire aux fantômes, ne plus argumenter, c’est acquis. Mais pourquoi faut-il encore subvenir à leur existence ?
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