Source [Marianne] Olivier Renaudie, professeur de droit public à la Sorbonne, analyse la suppression du corps préfectoral que prévoit la réforme de la haute fonction publique voulue par Emmanuel Macron.
Marianne : Quelle logique préside à la suppression des grands corps prévue par la réforme de la haute fonction publique, et notamment celle du corps préfectoral ?
Olivier Renaudie : Cette logique a été annoncée par Emmanuel Macron dans un discours aux cadres de la fonction publique, le 8 avril. On s’est beaucoup intéressé à la suppression de l’ENA, moins à d’autres passages pourtant importants. Le président de la République a expliqué que les postes d’encadrement de la fonction publique seraient tous fonctionnalisés. On s’aperçoit que le champ des corps concernés par cette réforme est relativement vaste. Les préfets savent désormais qu’ils en font partie.
Que signifie la fonctionnalisation ?
Cette logique s’oppose à celle des corps, selon laquelle il faut appartenir à un corps pour accéder à certains emplois de la fonction publique. Emmanuel Macron et Jean Castex ont dénoncé cette logique. Le modèle fonctionnel, lui, repose sur l’idée d’une adéquation entre un emploi et un profil : on se donne la liberté de choisir tel ou tel pour occuper certaines fonctions ou de le remplacer par un autre, sans s’enfermer dans un corps.
Cette annonce suscite un certain émoi chez les préfets...
Il y a eu un mauvais timing. Cette annonce est venue quelques jours après le bicentenaire de la mort de Napoléon, qui avait créé le préfet ! C’était l’une de ces institutions qu’il avait qualifiées de « masses de granit ». Un autre élément de contexte est la crise sanitaire, lors de laquelle le corps préfectoral a joué un rôle fondamental pour mettre de l’huile dans les rouages entre l’Etat et les élus locaux. Cette réforme ne vient donc pas au bon moment.
Des personnalités politiques comme Xavier Bertrand, à droite, ou Bernard Cazeneuve, à gauche, ont critiqué cette réforme en estimant qu’elle ouvrait la voie à des nominations politisées. Qu’en pensez-vous ?
En effet, si l’on part de l’idée que l’on peut nommer n’importe qui préfet, on peut pointer un risque de politisation. Néanmoins, la fonction de préfet est déjà un emploi à la discrétion du gouvernement. Les préfets sont nommés par le président de la République par décret pris en Conseil des ministres et sont chargés de faire appliquer la politique du gouvernement. Ils ont donc une dimension politique, qui existe depuis leur création en l’an VIII. Il ne faut donc pas faire croire que l’on passerait d’une absence de politisation à un risque de politisation.
En revanche, il existe peut-être un risque que l’on nomme des profils manquant d’expérience ou d’expertise, alors que ces fonctions requièrent généralement d’avoir été sous-préfet, secrétaire général d’une préfecture ou préfet d’un plus petit territoire. Il faut s’être frotté à des crises et avoir connu des élus locaux de tous bords pour assurer cette mission délicate de représentation de l’Etat au niveau local. En résumé, on risque de nommer des préfets qui pourraient ne pas faire l’affaire. Un préfet issu du corps préfectoral aura, lui, l’expérience requise.
Retrouvez l'intégralité de l'article en cliquant ici
- Xavier Driencourt : "La convocation de l'ambass...
- "Si les Turcs atteignent leur objectif dans le...
- "Rebelle", "modéré"… Non, islamiste : ne pas se...
- Et Barnier est tombé : récit d’un après-midi cr...
- Affaire Pierre Palmade : Mila, son bébé perdu,...
- UE-Mercosur : lobbies, commission, Pedro Sánche...
- "La tonne de carbone doit devenir une nouvelle...
- Olivier, ex-préparateur physique dans le foot :...
- Présidence de commission, vice-présidence de l'...
- Moldavie : quand les expats installés dans l'Un...