Source [Marianne] Au-delà de la tragédie qui frappe l'âme et la mémoire de Paris en marquant si fortement les esprits par ces images terribles, voire terrifiantes, de Notre-Dame de Paris en feu, c'est le symbole d'un patrimoine, aussi fragile que précieux, qui est parti en fumée. Négligence ou fatalité, n'oublions jamais la précarité de ce que les civilisations et les générations précédentes nous ont laissé, ni l’exigence permanente que cela impose, surtout quand on croit que le nécessaire a été fait, que l’on est à l’abri du sort. Un seul bateau pompe projetant de l’eau de la Seine vers le ciel aurait peut-être suffi à éteindre l’incendie… qui sait.
Depuis les sept merveilles du monde, des centaines de milliers de monuments, magistraux ou historiques, ont péri par les flammes, les catastrophes naturelles ou les guerres. Certains ont été rebâtis, d'autres non, demeurés en ruine ou rasés. D'autres encore, moins visibles, moins flagrants, moins connus, naturels ou culturels, disparaissent aussi, chaque jour, sans que l'on n'en sache rien, sous les coups de l'insouciance ou du profit. Une variété de fleur, un insecte, un poisson, une langue, un savoir qui disparaît de la surface de la Terre, c’est une petite Notre-Dame de moins. Oui, de moins. Et pas en mondovision, mais à l’ombre d’une forêt, au milieu du désert, au fond de l’océan.
L'image de l'insigne cathédrale de la capitale de la France en flammes nous interpelle violemment. Oh non, pas vous Notre Dame ! Un attentat du destin qui nous rappelle sans concession que le monde est inflammable et qu’il s’enflamme parfois. Aussi précautionneux ou vigilants que nous soyons, aussi riches ou puissants que nous soyons, nous n’avons rien pu faire, et le cauchemar s’est consumé jusqu’au bout, sous nos yeux. Rien n’était mieux protégé que Notre-Dame, à un endroit du monde où l’on se donne les moyens de garder ce qui doit l’être. Là où elle se trouvait, il ne pouvait rien lui arriver. Et pourtant !
Bien des gloires architecturales ont disparu par le feu, des centaines de charpentes millénaires ont fini en cendre, Chartres en 962, 1020, 1194, 1836, Reims en 1207, 1481 et 1914, Rouen, Vézelay, la liste est interminable. Toutes ont été reconstruites, redressées ou restaurées. Et pourtant, la plus haute de toutes, la cathédrale de Beauvais, se meurt, sans flammes, sans heurts, dans l’indifférence générale, car aucune autorité n’a le courage de prévenir ce désastre lent, froid et silencieux.
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