La dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron a provoqué des réactions politiques en chaîne. Les gauches sont parvenues à faire l’union une nouvelle fois alors que les droites devraient encore partir divisées.
Marion Maréchal qui tend la main au RN qui la rejette puis qui trouve finalement un accord mais sans Éric Zemmour ; Éric Ciotti qui fait un coup de force en embarquant son parti contre l’avis des cadres dans un accord électoral avec le parti de Jordan Bardella… En l’espace de quelques jours, les lignes semblent avoir plus bougé qu’en deux années et cela semble se faire au détriment du bloc des droites.
LR : la malédiction chiraquienne du cordon sanitaire
La méthode Ciotti pour engager Les Républicains dans un accord électoral avec le RN aura probablement été la pire. Le président du parti n’a pas consulté les élus et vice-président de sa formation, provoquant une quasi-unanimité de condamnations à son encontre. Une aventure qui tournera même au ridicule avec un chef de parti qui boucle le siège de sa formation politique pour éviter la réunion d’un bureau politique ! Ce fort Chabrol du pauvre n’aura pas duré longtemps mais offre une image dégradée de la droite parlementaire qui cultivait jusqu’alors un relatif sérieux.
Si l’attitude d’Éric Ciotti est ahurissante, et probablement motivée par des ambitions locales dans la ville de Nice, le président LR aura eu le mérite de clarifier un positionnement obscur de sa formation dans l’échiquier politique. Alors que la moitié des sympathisants LR sont favorable à des alliances avec le Rassemblement National, les cadres s’y refusent systématiquement, s’en tenant à la politique du « cordon sanitaire » de Jacques Chirac. LR est ainsi devenu un parti de droite dirigé par des centristes. Les ténors des LR auront mis plus d’énergie à pousser Ciotti vers la sortie qu’à stopper l’immigration lorsqu’ils étaient au pouvoir.
Le parti pourrait ainsi connaître des élections législatives catastrophiques après avoir envoyé seulement six députés au Parlement européen, dont deux au moins soutiennent ouvertement Éric Ciotti. S’ouvre également un front politique et juridique sur la route de la droite parlementaire : comment les cadres du parti vont s’extirper du coup de force de Ciotti ? Comment vont-ils parvenir à faire campagne en se différenciant du RN et de la majorité macroniste ?
RN : dédiabolisé mais pas professionnalisé
Après son succès très large aux élections européennes, le RN est donné majoritaire dans les projections pour les législatives. En débauchant le président des LR, le parti de Jordan Bardella a porté un nouveau coup à une droite parlementaire déjà malmenée par une fuite d’une partie de ses cadres vers la majorité présidentielle.
Ce succès électoral et celui qui s’annonce ne se sont cependant pas accompagnés de ralliements importants de cadres LR. Ciotti emmène probablement avec lui l’aile droite des électeurs de son parti ce qui n’est pas négligeable mais en termes de personnel politique il n’apporte pas la matière grise que pouvait espérer le RN avec une telle alliance. Largement dédiabolisé, le RN manque d’élus et de cadres capables de gouverner, d’étoffer et de crédibiliser un programme.
En cas d’arrivée, très hypothétique, aux manettes, le parti devra aussi faire face au piège budgétaire. En effet, si Emmanuel Macron dissout c’est aussi parce qu’il se trouvait bien incapable de proposer un budget sans augmentation d’impôt pour 2025. Ceux qui gouverneront à la rentrée devront se charger de cette sale besogne…
Reconquête, le parti ghettoïsé
Les relations déplorables entre Marion Maréchal et Éric Zemmour ont fini par éclater au grand jour chez Reconquête après les négociations engagées entre la nièce de Marine Le Pen et l’état-major RN. Marine Le Pen et Jordan Bardella auraient ainsi posé comme condition l’éviction de l’ancien polémiste de l’équation, celui-ci s’étant montré très dur avec le RN. A l’initiative d’une tentative d’accord, trois autres eurodéputés : Nicolas Bay, Guillaume Peltier et Laurence Trochu, Marion Maréchal va priver Reconquête de 4 de ses 5 députés à Bruxelles, la compagne d’Éric Zemmour étant restée « fidèle » à celui-ci. Pour les milliers de personnes qui se sont investis dans l’aventure zemmourienne, le sentiment d’un immense gâchis domine.
Le parti qui n’aura eu de cesse de parler de « civilisation » se sera perdu dans de la petite cuisine politique.
Ce parti qui est parvenu à dépasser les 5 % dès sa première présidentielle et à obtenir des députés européens deux ans plus tard devait unir les droites, il voit aujourd’hui ses dirigeants s’écharper. A ces 4 défections, s’ajoute celle du sénateur Stéphane Ravier qui suit Marion Maréchal. Celle-ci devrait fonder son propre parti.
Zemmour se rêvait en Napoléon, il semble aujourd’hui avoir plutôt le destin d’un Boulanger.
Sans ses élus on imagine mal son parti survivre même si les surprises de ces derniers jours semblent montrer que tout peut aller très vite.
Des lendemains qui pleurent
La gauche, même unie peut difficilement espérer obtenir une majorité, le centre, même rallié par des socialistes et des Républicains, également. On se dirige ainsi vers une division du paysage politique français en trois grands blocs. Le bloc centriste est celui qui peinera le plus à se relever, puisqu’il rassemble un segment électoral vieillissant.
Il n’est pas évident qu’une force politique soit en mesure de l’emporter en juillet et le pays pourrait s’en tenir à une gestion technique. Les conséquences directes sont, elles, déplorables, les gauches unies avec des groupuscules et des partis radicaux (NPA, antifascistes…) vont se placer en démonstration de force dans les rues pour combler leur déficit électoral et cela pendant trois semaines. Le pouvoir va de son côté tenter de se montrer comme le parti de l’Ordre alors qu’il a lui-même provoqué ce chaos. Des actions de type terroriste contre des élus de droite pourraient avoir lieu dans les jours qui viennent. Déjà des cafés associatifs de droite et des lieux authentifiés comme catholiques ont subi des attaques.
En termes d’opinion, la séquence que l’on vit devrait accentuer le rejet de la classe politique. Ciotti a trahi les siens comme Darmanin et Bruno Le Maire l’avaient fait avant lui et plus récemment Rachida Dati. Le déchirement dans le parti Reconquête aura aussi causé de nouveaux dommages à droite. Dans une telle conjoncture, difficile de ne pas voir dans les excès d’enthousiasme un profond signe de bêtise.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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