Le Premier ministre, contraint à un exercice d’équilibriste depuis son arrivée à Matignon en septembre, semble destiné à une fin proche à la faveur du ralliement du Rassemblement National au vote d’une motion de censure. La crise institutionnelle se double, comme souvent, d’une crise économique.
Marine Le Pen avait prévenu le gouvernement qu’il était sous surveillance. Il semble désormais que la présidente du groupe RN à l’Assemblée s’apprête à mettre à exécution sa menace de censure. Si évincer le Premier ministre Barnier est risqué, car son successeur peut être autrement plus nuisible, il convient de noter que le chef du gouvernement a donné le bâton pour se faire battre sur sa droite. Malgré un nombre de députés supérieur à celui de la législature précédente, le RN n’a obtenu ni vice-présidence ni poste d’importance à l’Assemblée, et la coalition gouvernementale n’a pas daigné céder, ne serait-ce que sur un amendement du RN, lors de l’élaboration du budget. À la décharge de Michel Barnier, il a dû composer avec une aile gauche macroniste qui s’opposait à toute forme de compromission avec le RN.
La motion, et après ?
Le vote de la motion de censure pourrait provoquer des secousses sur les marchés financiers, comme l’a annoncé le chef du gouvernement. Les marchés appréciant la stabilité, une telle hypothèse ne paraît pas farfelue. En revanche, la chute du gouvernement Barnier, si elle est en elle-même sans grande importance, pourrait avoir des conséquences politiques en chaîne. Le Nouveau Front Populaire est toujours susceptible d’imploser, une partie du camp socialiste demeurant très hostile à Jean-Luc Mélenchon et aux provocations permanentes de ses ouailles. Communistes et écologistes demeurent eux plus attentistes, mais il est difficile de les imaginer admettre trop de compromissions avec les macronistes, et encore moins avec la droite LR.
Plusieurs hypothèses se dégagent. L’une d’entre elles est le sauvetage temporaire du gouvernement Barnier, qui céderait sur quelques éléments comme la question du prix de l’électricité. C’est la solution préconisée par l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Celle d’un gouvernement Lecornu circule dans les couloirs de l’Assemblée. Le ministre des Affaires étrangères est issu du parti présidentiel, qui est majoritaire dans le « socle commun » à l’Assemblée, mais il devrait rencontrer les mêmes difficultés que Michel Barnier. La mise en place d’un gouvernement technique revient aussi régulièrement et permettrait d’aller jusqu’à une nouvelle dissolution au début de l’été. Un tel choix peut être risqué, car un gouvernement technique sous couvert de neutralité pourrait s’avérer un accélérateur sur quelques sujets censés « faire consensus », comme l’euthanasie. Enfin, l’hypothèse de voir arriver aux manettes un gouvernement NFP semble plus que jamais s’éloigner avec la marginalisation des Insoumis. Par ailleurs, un tel exécutif serait probablement très vite censuré.
Avec autant de scénarios sur la table, autant dire que l’incertitude de l’été 2024 semble déjà de retour pour l’hiver 2025.
Un paysage politique émietté et un président conspué
Les appels à la démission du président Macron, jusqu’alors l’apanage du RN et des Insoumis, ont gagné les rangs du centre et même de certains Républicains. Ainsi, Charles de Courson et Jean-François Copé se sont prononcés en faveur d’un départ d’Emmanuel Macron. En effet, plus que Michel Barnier qui sert de fusible, c’est Emmanuel Macron et son incompréhensible dissolution qui ont mis le pays dans un tel embarras. De nouvelles élections législatives à l’été 2025 ne donneront pas nécessairement un résultat plus clair, tandis qu’une élection présidentielle profiterait, a priori, au camp de l’heureux élu avec des législatives dans la foulée de son élection.
L’agitation institutionnelle nourrit la défiance des agents économiques, mais aussi celle des Français à l’égard des institutions, et provoque des remous au sein des partis. Ainsi, les socialistes se divisent en vue du Congrès de 2025 sur la ligne à tenir vis-à-vis des Insoumis. Les Républicains n’ont pas tout à fait trouvé un chef de file, et le RN reste suspendu à la décision judiciaire concernant Marine Le Pen avec, dans l’arrière-cour du parti, des combats entre les petites coteries qui veulent peser en cas de défection de la patronne. Les macronistes devront eux aussi se trouver un champion pour tenter de raviver la flamme LREM.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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