Il fallait s’en douter. Le Conseil constitutionnel a été incapable de défendre les liberté fondamentales des français face aux décisions liberticides du gouvernement pendant la crise de la Covid. Laurent Fabius vient de déclarer que les référendum que pourraient proposer Eric Zemmour et Marine Le Pen pour stopper l’immigration et instaurer la préférence nationale ne pourront pas se faire.
“(…) Pour les candidats aux programmes “de rupture”, les obstacles ne s’arrêteront pas après l’élection présidentielle. Faisons un peu de politique-fiction : même détenteur des 500 parrainages, vainqueur du scrutin puis des élections législatives dans la foulée, le nouveau président – s’il s’agit de Marine Le Pen, Eric Zemmour ou Jean-Luc Mélenchon – pourrait se trouver empêché d’appliquer son projet. L’explication est à chercher du côté du Sénat… et de la rue de Montpensier, à Paris, siège du Conseil constitutionnel. Le mardi 4 février 2020, Laurent Fabius, le président de l’institution suprême du droit français, y recevait une poignée de journalistes (…) Au détour d’une réponse, l’ancien Premier ministre a livré une précision en apparence technique :
“Le référendum de l’article 11 ne peut être utilisé pour réviser la Constitution. Pour cela, il faut utiliser l’article 89.”
Derrière le sabir juridique se niche une bombe. Car l’annonce du chef des Sages signifie indirectement… qu’aucun référendum remettant en cause les éléments les plus sensibles de notre droit ne pourra être convoqué sans l’aval de l’Assemblée nationale et, surtout, du Sénat. Marine Le Pen ou Eric Zemmour, à l’époque à mille lieues de s’engager en politique, peuvent remiser leur programme en matière d’immigration, sauf à convaincre les sénateurs (…) L’éclaircissement du patron du Conseil constitutionnel est inédit sous la Ve République – jusque-là, une savante ambiguïté avait toujours été maintenue. Selon Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, ce raisonnement est implacable juridiquement, même s’il “pose un vrai problème démocratique”.
Quelle importance accorder d’ailleurs à ce propos privé du président du Conseil constitutionnel ? La plus haute. Car Laurent Fabius a récemment confirmé sa pensée. Le 25 janvier dernier, en marge d’une conférence de presse dédiée à l’organisation de l’élection présidentielle, il est revenu sur la procédure de révision de la Constitution. Encore une fois, il a fait la distinction entre le référendum de l’article 11, utilisé par le général de Gaulle, en 1962, pour instituer l’élection du président de la République au suffrage universel, et celui de l’article 89, qui permet explicitement la modification du texte suprême. “Ceux qui, comme le général de Gaulle en 1962 avec l’élection du président de la République au suffrage universel, estiment pouvoir s’appuyer sur l’article 11 et le seul référendum pour réviser la Constitution ont tout faux, a-t-il lancé, selon Le Parisien. D’abord, parce que n’est pas le général de Gaulle qui veut. Ensuite, parce que toute révision de la Constitution doit se fonder non sur l’article 11 mais sur l’article 89.” (…)
Or, cet article 11, c’est précisément celui que veulent utiliser Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour pour faire passer leurs réformes les plus emblématiques. Ils l’ont tous les trois affirmé clairement (ici, ici ou là), en se disant persuadés que le Conseil constitutionnel ne s’y opposera pas, précédent de Gaulle oblige. A tort, donc. “Ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui décidera si je suis président”, a même déclaré Eric Zemmour, le plus offensif des trois, le 9 décembre (…)
Pourquoi ce qui était possible en 1962, passer en force via un référendum, ne le serait plus en 2022 ? A l’époque du général de Gaulle, le Conseil constitutionnel s’était dit incompétent pour juger des lois “adoptées par le peuple à la suite d’un référendum” qui “constituent l’expression directe de la souveraineté nationale”. Seulement, l’institution a fait évoluer sa jurisprudence le 25 juillet 2000. Elle se dit désormais compétente pour statuer sur – subtilité – le décret de convocation des électeurs pour ledit référendum. Et Laurent Fabius vient de préciser officiellement sa position de fond. Concrètement, cela signifierait qu’un candidat qui a remporté l’élection présidentielle sur la base de son programme, et également les élections législatives, pourrait être empêché de l’appliquer. “La philosophie de cette position, c’est qu’il ne suffit pas de gagner une ou deux élections pour toucher à la Constitution française. C’est un geste solennel, donc il faut pour cela gagner plusieurs élections, sur le long terme, afin que cette volonté soit mûrie et confirmée dans le temps“, expose Jean-Philippe Derosier. En creux, les candidats les plus radicaux se heurtent au même problème que concernant les 500 parrainages : leur manque d’ancrage dans les territoires, auxquels les institutions de la Ve République confèrent un rôle clef.
Dans le détail, le professeur de droit estime que plusieurs réformes seraient censurées par le Conseil constitutionnel si elles étaient proposées par le biais du référendum de l’article 11 de la Constitution. Il cite à coup sûr (…) “l’interdiction ou la restriction du droit au regroupement familial” des étrangers, portée par Marine Le Pen et Eric Zemmour, qui a été consacré comme un principe constitutionnel en 1993, au nom du droit à mener une vie familiale normale.
Jean-Philippe Derosier signale d’ailleurs qu’il n’est pas évident qu’un référendum sur les questions d’immigration entre dans le champ de l’article 11, qui mentionne “la politique économique” ou “sociale”. Il considère surtout que la “préférence nationale”, concept défendu lui aussi par Le Pen et Zemmour, qui voudrait que les Français disposent de conditions d’accès au logement ou aux allocations préférentielles par rapport aux étrangers, ne pourrait être proposée dans le cadre d’un tel référendum : “Ce serait contraire au principe de non-discrimination reconnu de façon constante par le Conseil constitutionnel. Les différences de traitement entre Français et étrangers sont possibles seulement si un intérêt général le justifie et en rapport avec l’objet d’une loi. Là, à partir du moment où les étrangers ont un titre de séjour valide, que les mesures en question ont pour objectif de favoriser l’insertion sociale, ils doivent être traités de la même manière que les nationaux.”
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