Source [Le Salon Beige] Le décret pris le 16 mars pour restreindre nos libertés amène quelques réflexions :
[…] Une question juridique tout d’abord : un simple décret permet de restreindre la liberté de circulation, une des libertés à valeur constitutionnelle reconnue par l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 (« 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. »). Le décret du 16 mars 2020 permet aussi de restreindre le libre exercice d’activités commerciales, ou tout au moins l’organisation interne des entreprises. L’ordonnance du Conseil d’Etat, référé, du 25 avril 2002, n° 245414, Société Saria Industries disposant que l’exploitation d’un établissement peut être interrompue si celui-ci ne se conforme pas à des « prescriptions légalement imposées », impliquant ainsi qu’un simple décret n’est pas compétent pour définir de telles dispositions. Ainsi, la hiérarchie des normes est singulièrement bousculée, voire inversée, ce qui pourrait créer une situation d’incertitude juridique nuisible à la lisibilité du droit. La décision prise par le Président de la République fut la bonne sur un plan sanitaire, c’est une évidence. Mais le niveau décrétal pour porter cette décision de confinement semble très bas en comparaison des libertés fondamentales auxquelles les personnes sont sommées de renoncer. Cela renforce l’idée d’un pouvoir qui peut prendre des dispositions exorbitantes de droit commun avec un arsenal juridique minimaliste. Cela ouvre un champ sur la tyrannie potentielle que peut incarner l’Etat postmoderne, loin de la fiction d’une République apaisée, soucieuse des libertés publiques.
Une question politique ensuite. On se rend compte que les interdits supposés ou le corset législatif invoqué pour d’autres questions de politiques publiques sont des impostures. Si l’on peut restreindre aussi « facilement », par décret, la liberté de circulation et la liberté du travail ou des organisations , comment peut-on accepter l’enkystement du non-droit dans les banlieues, cette liberté anarchique de circulation de terroristes et de stupéfiants. Cette affaire nous montre que tout repose sur la décision politique et la volonté collective. Les instruments de coercition sont là, activables lorsque cela est jugé nécessaire. La sécession de pans entiers de territoires français, le changement de peuple ne paraissent pas relever des priorités de la Nation, ni de la part des pouvoirs publics terrés dans leur immobilisme, leur cynisme ou leur lâcheté, ni de la part des Français anesthésiés par l’oubli de ce qu’ils sont.
Une question symbolique qui révèle qu’Emmanuel Macron joue à contre-emploi.
Emmanuel Macron est le président qui a tout misé sur la mobilité : mobilité des capitaux à travers des projets de privatisations (ADP), mobilité professionnelle à travers l’assouplissement du droit du travail censé fluidifier le marché de l’emploi, mobilité internationale des hommes à travers la signature du Pacte de Marrakech le 10 décembre 2018. Or, Emmanuel Macron est devenu de président de l’immobilité contrainte, du « restez chez vous », ce qui résonne assez ironiquement comme un rappel du caractère protecteur, rassurant, immunitaire du chez soi. Le mouvement – sauf s’il est obligatoire ou vital – devient passible d’une contravention et assimilé à une perturbation de l’ordre public. « Chez soi », auparavant dénigré par la coterie de la société ouverte, devient la valeur refuge, le symbole du respect des personnels hospitaliers, du civisme le plus abouti. Pour reprendre un terme de Renaud Camus, si vous voulez être nocent, sortez, ayez l’« esprit d’ouverture »…
Emmanuel Macron a voulu donner à son allocution une tonalité martiale. L’incantation anaphorique du « Nous sommes en guerre » – quoique passablement théâtrale, rassemble efficacement la figure traditionnelle du chef d’Etat et du chef de guerre. Si les révélations d’Agnès Buzyn dans l’interview du Monde montrent un chef de guerre malheureusement moins résolu et va-t-en-guerre qu’il n’y paraît dans son allocution, on souhaiterait que ce volontarisme guerrier soit invoqué pour toutes les questions qui relèvent de l’intérêt de la Nation. L’affaire du Covid-19 engage une question vitale de santé publique. La mobilisation générale et l’appel à la responsabilité de l’ensemble des Français sont justifiés. Pourquoi alors cet attentisme sur les questions internationales, notamment sur les menaces d’Erdogan et les provocations inacceptables de son chantage migratoire qui engagent elles aussi la survie de la Nation ?
Confiner les Français chez eux : tout un symbole, à contre-emploi pour Emmanuel Macron. Le Président de la République a décrété la mobilisation générale contre un virus qui met en danger le corps des personnes. Il est à craindre qu’il ne daigne pas faire, une fois cette crise passée, la même chose pour tout ce qui met en danger, de manière tout aussi importante, le corps de la Nation…
Ajoutons que le coronavirus vient faire exploser les dogmes de la post-modernité :
[…] Le coronavirus, par sa gravité, est en train de changer un certain nombre d’habitudes en particulier dans le domaine de la sociabilité et du travail. Les interactions sociales doivent être divisées par quatre pour faire ralentir l’épidémie selon les estimations de certains épidémiologistes (voir Le Figaro, 12 mars 2020, Tristan Rey). Cette obligation de raréfier les interractions sociales vient heurter le bavardage socio-entrepreneurial de la nécessaire coopération de tous avec tous, la religion des synergies de tout et n’importe quoi. La proximité, le mélange, la fusion est le sabir des relations interpersonnelles postmodernes. Le coronavirus nous oblige à la distance, nous contraint à sortir de religion vaine de l’interaction permanente. Cela pose les bases d’une démythification de l’Autre dont il faudra essayer de tirer un parti social et politique. L’homo festivus, avec la fermeture des bars, des restaurants consécutive au stade 3, perd ses lieux de prédilections et l’ouverture des seuls lieux essentiels à la survie détruit l’univers et l’environnement du divertissement si essentiel à l’homo ludens . L’homo economicus, autre pilier de la postmodernité, n’est pas en reste. Le confinement auquel nous allons devoir faire face pendant quelques semaines conduit au développement forcé du télétravail : la communauté physique traditionnelle, les lieux professionnels d’interaction se transforment en communauté virtuelle. Le travail poursuit sa dématérialisation et travailler ne se réduit plus à être présent sur son lieu de travail. L’épidémie de coronavirus sera une parenthèse mais il est évident que certaines pratiques collectives vont être modifiés marginalement peut-être ou plus fondamentalement.
Le coronavirus a ensuite heurté de plein fouet l’idéologie cartésienne et plus généralement scientiste d’une maîtrise et possession de la nature. Les maladies de masse avaient disparu en Europe, et quelque chose de l’ordre du « plus jamais ça » flottait dans l’air scientiste et optimiste de notre monde technicisé, rationalisé et prédictif. Le coronavirus nous avertit que le positivisme scientiste s’est trompé, que l’histoire technologique n’est pas linéaire, que la nature n’est en soi ni bonne ni mauvaise mais qu’elle est, et qu’elle reprend ses droits lorsque l’on croit la maîtriser. L’idéologie progressiste de rupture avec la nature, de l’homme augmenté , omnipotent par la grâce de sa raison, se heurte au mur du réel. Collectivement, on ne sortira pas idéologiquement indemne de cette expérience d’humilité.
Le coronavirus est le miroir inversé de la mondialisation. Le virus, parti de Chine et issu d’un animal, s’est étendu en Occident à l’homme, passant les frontières ouvertes. On a cru à la libre circulation des biens, des hommes, des capitaux. On ne voulait pas voir son reflet inversé. La libre circulation des dettes, des conflits et maintenant des virus. Plutôt qu’une nouveauté, il s’agit d’une prise de conscience d’un versant que nous ne voulions pas voir, la mondialisation anxiogène et malheureuse que le coronavirus a mise en évidence. Les reproches parfois faits – y compris par des médias de gauche – aux autorités politiques est de ne pas avoir fermé certaines frontières assez tôt signeraient-ils un retour à l’éloge de la frontière ? La frontière protège, limite, immunise même si le Président de la République jeudi 12 mars a donné un répit à la propagande mondialiste en déclarant vouloir « éviter le repli nationaliste » !…
Le coronavirus est le tragique par excellence. Il est la peste de Thèbes dans le monde postmoderne. Nous perdrons beaucoup dans cet épisode – on ne sait encore à quel point – et la France est en souffrance comme tant d’autres nations. Mais nous avons les ressources du courage qui devra arrêter son déclin et préparer la régénération …
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