La presse occidentale, droite dans ses bottes, ne change pas. Il y a les bons et les méchants, le camp du bien et celui du mal. Elle est là, agressive, menaçante, oppressante même, pour nous dire ce que l’on doit penser. Poutine est « fou », « paranoïaque » ou tout simplement un « salaud ». Le doigt de Big Brother ne nous lâche pas, les minutes de la haine sont des heures. C’est le moment de relire 1984 : nous y sommes, une fois de plus.
Milošević, Saddam Hussein, Bachar el-Assad, Donald Trump (moins sanguinaire, il est vrai, celui-là) ont un successeur : Poutine, incarnation du mal absolu. Il est vrai qu’il était, depuis longtemps, « en pole », comme disent les amateurs de courses automobiles. Pardon pour l’anglicisme.
Mais cette fois, plus de doute, il a jeté le masque en attaquant sans aucune raison un pays voisin qui voulait seulement entrer dans l’OTAN. Enfin ! La haine, si peu contenue jusque-là il est vrai, peut se déverser par torrents au nom de la morale, de la paix, des droits de l’homme, tout ce qu’on voudra. Une nouvelle bête immonde est identifiée. Les crimes sont déjà établis et les tribunaux internationaux au garde-à-vous.
Pas de recul, plus d’analyse, plus de vérification des faits, à quoi bon ? C’est la loi des suspects, et il y a longtemps que Poutine l’est. Nous sommes dans l’ère du manichéisme.
Lorsque George Bush père voulut attaquer l’armée irakienne qui venait d’envahir le Koweït en 1991, les sondages montraient que les Américains n’étaient guère enthousiastes. Alors, une jeune fille, entre deux sanglots, vient raconter, devant les plus hautes instances, le crime absolu : des soldats irakiens ont débranché les couveuses d’une maternité de Koweït, tuant des dizaines de nourrissons. Tout était inventé, mais peu importe : l’opinion bascula et l’OTAN put, oh joie, attaquer et détruire l’armée iraquienne.
Au Kosovo, en 1999, c’est un génocide qui se préparait, savez-vous ? Les soldats serbes, après leurs exactions, jouaient au football avec les têtes tranchées des pauvres Albanos-Kosovars. Tout le monde le crut, puisque c’est le ministre de la Défense allemand qui l’avait dit. Puis ce fut la fable de « l’opération fer à cheval » qui préparait le génocide des gentils maquisards de l’UÇK. L’OTAN, en preux chevalier, bombarda la Serbie pendant 78 jours pour lui apprendre à vouloir défendre sa province.
En Irak encore, en 2003, on apprit avec effroi que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. La CIA inventa les preuves, le général Powell brandit une fiole de poison à l’ONU et l’on put finir le travail en abattant définitivement la bête immonde du moment « otanesque ». La peine de mort fut rétablie pour Saddam car, quand le crime est trop grand, n’est-ce pas…
La désinformation en Syrie fut encore plus joyeuse car elle put s’exercer pendant plusieurs années. Al-Nosra faisait du bon boulot, les islamistes étaient des rebelles modérés. Ils coiffaient même des casques blancs dans les grands moments. Mais rien ne marcha comme prévu car Daech vint gâcher la fête et Poutine commença à marquer son territoire. Le gaz du Qatar passera par la Syrie une autre fois et, en attendant, les sanctions américaines écrasent le peuple syrien. Ça lui apprendra à préférer Bachar aux islamistes.
L’Ukraine se prépare, à son tour, à entrer dans le Panthéon des grandes œuvres de l’Occident médiatique. Ainsi, les treize martyrs de l’île aux Serpents se sont benoitement rendus. Du jour au lendemain, la vidéo virale du glorieux « va te faire foutre » disparut, Zelensky changea de sujet et quelques doutes gênés apparurent dans la presse bien-pensante.
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