Source [Le Salon Beige] : D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
Le philosophe déconstructionniste français Jacques Derrida a beaucoup parlé de la différence en tant que multiplicité mais aussi en tant que différent, dans ce cas écrit par lui différance.
La pensée de Derrida est notoirement alambiquée, mais ici il a l’intention de démontrer comment deux mots épelés légèrement différemment se ressemblent lorsqu’ils sont prononcés. Il critique ainsi ce qu’il définit comme le « logocentrisme occidental ». Le philosophe Italien Diego Fusaro commente cette réflexion de Derrida : « Avec son œuvre “silencieuse”, la différance marque un écart par rapport à tous ces points, cependant pas sous la forme d’une “opposition”, mais d’une altérité excentrique par rapport au système de opposition sur laquelle se gouverne le logocentrisme ». Un philosophe américain, James K.A. Smith, a tenté de réconcilier Derrida avec le christianisme, demandant dans un de ses livres si “le diable vient de Paris”. Maintenant, Paris est si beau que je ne veux pas croire que le diable soit de Paris, mais il y a certainement passé du temps avant de s’installer à Rome.
J’ai commencé par Derrida parce que le thème de la différence est en réalité très important pour notre réflexion et l’opposition qu’évoquait Fusaro ne nous renvoie pas à un logocentrisme, mais au constat nécessaire que A n’est pas B, qu’Aurelio n’est pas Aurelia, que tertium non datur. Vous pouvez être quelque chose ou vous ne pouvez pas l’être. De ce point de vue, on voit combien le thème de la différence est si menacé dans notre culture moderne où il ne correspond pas à un ordre naturel inhérent aux choses mais est soumis à un choix. Nous ne sommes ni des hommes ni des femmes, mais nous choisissons de l’être, c’est le récit qui nous est également communiqué par des penseurs influents et des plateformes médiatiques omniprésentes. De toute évidence, la culture américaine a une influence néfaste dans tout cela, en particulier celle qui vient du monde du divertissement. Prenons la fille de Brad Pitt et Angelina Jolie, qui s’appelle Shiloh. Dans un article d’Alessia Amorosini sur Vanity Fair on lit ceci : « Jusqu’à un certain temps, elle se définissait comme un garçon et voulait être appelée par un prénom masculin. Dans une interview Brad Pitt avait révélé : « Elle veut s’appeler John ou Peter. Nous devons l’appeler John. Si nous essayons de dire « Shi..tu veux », il nous interrompt et je me corrige en disant : « John, tu veux du jus d’orange ? » et alors seulement il me répond». Pendant des années, elle s’est montrée dans des vêtements et des coiffures pour hommes, mais récemment, elle a choisi d’apparaître à la place dans une robe de femme lors de la première d’Eternals (si cela a encore du sens de parler de vêtements qui peuvent être définis comme uniquement masculins et uniquement féminins)”. Maintenant, quand on regarde la photo de cette fille, on voit clairement une belle adolescente, qui a hérité des bons gènes de ses charmants parents et qui peut dire ou penser ce qu’elle veut, mais c’est quand même une fille. Et vous voyez comment le doute s’insinue dans l’article quant à savoir s’il est logique de parler de vêtements pour hommes et pour femmes : c’est certainement le cas, il n’y a aucun doute. Je peux me réveiller demain et décider que j’ai 25 ans, m’habiller comme une personne de 25 ans, parler comme une personne de 25 ans… mais je continuerai d’avoir l’âge que j’ai. La différence délimite, identifie, connote. C’est quelque chose que nous devons embrasser et certainement pas rejeter.
Une autre chose est la diversité, un mot qui est très à la mode aujourd’hui. Par diversité, nous entendons l’acceptation des revendications individuelles, comme celle de ressentir quelque chose plutôt que d’être quelque chose. C’est un mot largement utilisé pour dire que la “diversité” doit nous rendre plus “inclusifs”, c’est-à-dire ne pas discriminer selon une vérité objective, comme le catholicisme l’a toujours annoncé, mais nous ouvrir au tout indifférencié sans juger ce qui est bien ou ce qui est mal. Un tel Dieu (qui n’est pas Dieu) semble être celui qui nous est représenté dans la déclaration d’Abu Dhabi qui dit : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas ». Mais est-il aussi condamné ceux qui recherchent une vérité objective plutôt qu’une vérité subjective et immanentiste ?
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