Source [Marianne] Thomas Guénolé estime que la situation socio-économique désastreuse pourrait favoriser une victoire du Rassemblement national.
Il y a cinq ans, en 2015, interrogé par Thierry Ardisson sur le meilleur candidat pour battre Marine Le Pen, j’avais répondu : "N'importe lequel. Une chèvre attachée à un piquet, avec une étiquette ‘je ne suis pas FN', battrait Marine Le Pen au second tour". Au-delà de la formule, c’était là un constat objectif : au second tour d’une présidentielle, face à Marine Le Pen, n’importe qui serait élu, par simple rejet de l’extrême droite. Aujourd’hui, en 2020, je ne pourrais plus exprimer la même certitude. Aujourd’hui, la victoire de Marine Le Pen demeure certes improbable mais pour la première fois, elle est possible.
Le sondage Ifop-Fiducial du 21 juin 2020 en vue de l’élection présidentielle de 2022 vaut alerte. Marine Le Pen serait en tête du premier tour avec 28% des voix, devant le président sortant Emmanuel Macron à 26%. Puis le second tour aboutirait à 55-45 en faveur d’Emmanuel Macron. Ce sondage porte toutefois sur un échantillon de 992 sondés, ce qui implique une marge d’erreur ("intervalle de confiance des données") d’environ 3 points autour de la valeur affichée. Emmanuel Macron est donc en réalité entre 52 et 58, et Marine Le Pen entre 42 et 48. Il n’y a donc plus que 4 points d’écart entre la fourchette basse d’Emmanuel Macron et la fourchette haute de Marine Le Pen. C’est là une configuration proche de celle de Lionel Jospin et de Le Pen père avant le premier tour de la présidentielle de 2002, il y a bientôt vingt ans - mais cette fois-ci pour le second tour.
Certes, aucun sondage pour une élection présidentielle fait deux ans à l’avance n'a annoncé ce que serait effectivement le résultat final. Cela tient au fait qu’en ordre de grandeur, seule la moitié de la population la plus politisée sait à tout moment pour qui elle voudra voter. L’autre moitié, la moins politisée, se décide tard. Cette autre moitié se décide, par vagues successives, dans les tout derniers mois voire les toutes dernières semaines (pour avoir négligé cette donnée, la seule fois où j’ai fait un pronostic longtemps à l’avance, en 2016, disant qu’Emmanuel Macron ferait 10%, je me suis lourdement trompé). Ce processus explique qu’à chaque campagne présidentielle, les dix-douze dernières semaines voient des inflexions fortes et des retournements spectaculaires dans les dynamiques sondagières des candidats : en fait, ces « grandes surprises » des dernières semaines, c’est tout simplement la moitié la moins politisée de l’électorat qui manifeste enfin ses intentions de vote.
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