Source [Causeur] Sous le vocable simplificateur d’« atteintes aux libertés fondamentales », on a tendance à confondre celles d’ordre autoritaire et celles d’ordre totalitaire. Elles sont pourtant très différentes. En France, la crise sanitaire amplifie une inquiétante dérive, selon François Martin.
Si l’autoritarisme est une pratique politique qui tend à réprimer les possibilités d’action (atteinte aux droits de déplacement, de rassemblement, de travail, d’action politique, etc…), le totalitarisme, lui, va s’attaquer à la pensée (tentatives d’interdire la possibilité de réfléchir, de se former ou de s’informer, de croire ou de pratiquer sa religion). Le totalitarisme est ainsi bien plus dangereux que l’autoritarisme, parce qu’il touche à la faculté la plus importante de la personne humaine: la pensée, qui gouverne tout l’individu. Il est aussi plus difficile de caractériser les dérives d’ordre totalitaire, parce qu’elles sont plus insidieuses. Par exemple, il est facile de remarquer l’atteinte à la liberté du fait que les rassemblements de plus de 10 ou de 100 personnes sont interdits. En revanche, où commence véritablement l’atteinte à la liberté de penser ?
La notion de « démocratie » est également piégeuse, d’abord parce qu’elle n’est pas universelle (il y a autant de systèmes démocratiques qu’il y a de pays et de régimes, avec des échelles de valeurs toutes différentes), mais surtout parce qu’elle est facile à détourner. En effet, un régime pourra se targuer d’être « démocratique » (traduction : disposer d’institutions démocratiques) et, par ce fait même, camoufler d’inavouables tentations totalitaires (« pensée unique », interprétation à sens unique de l’Histoire, formatage de la jeunesse, de la philosophie, interdiction de l’expression publique et diverse des idées, « catéchisme » politique, attaques et psychiatrisation des penseurs dissidents, etc…). Le plus gros et le plus insidieux des mensonges et des attentats contre la liberté de pensée étant peut-être, précisément, l’inversion des priorités de la liberté, faisant en sorte de considérer celle-ci comme un absolu, dont l’homme doit devenir esclave (ce qui institue de fait le règne du plus fort), plutôt que de prôner une liberté qui soit au service de l’homme.
Vu à travers ce prisme, il est à craindre que des tentations tant autoritaires que totalitaires existent bel et bien en France, avec même sans doute une appétence plus forte pour la deuxième (je rappelle que nous nous vantons tous d’être « en démocratie »…). C’est ce que l’on appelle communément la « pensée unique ». La crise sanitaire n’a fait qu’augmenter cette dérive. Une dérive somme toute logique, puisque l’État essaye tant bien que mal de compenser, par une contrainte brouillonne et maladroite, ce qui lui a manqué de sincérité, de préparation, de vision et de stratégie dans cette affaire.
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