La mobilisation massive d’agriculteurs partout en France constitue une nouvelle crise pour l’Exécutif. Remontés contre un trop-plein de normes, des règles de libre-échange absurdes mais aussi mobilisés pour défendre des conditions de vie dignes, les paysans de France veulent faire entendre raison au gouvernement dans ce qui s’apparente à une mobilisation de la dernière chance.
Ils étaient 1,2 million en France en 2000 selon l’Insee et ils seraient aujourd’hui moins de la moitié. Le nombre de paysans n’a cessé de diminuer depuis un siècle et demi dans le pays, un changement qui s’est accompagné du phénomène d’exode rural et qui a modifié en profondeur notre société. En 1931, pour la première fois, plus de Français vivaient dans les villes que dans les campagnes, cette mutation géographique a probablement eu des conséquences encore difficilement quantifiables dans leur ensemble. En matière de poids dans l’opinion et dans l’économie, l’agriculture a connu un grand déclassement renforcé par les multiples accords de libre-échange.
Les mobilisations agricoles auxquelles nous assistons depuis plusieurs jours sont le fruit de multiples revendications. Les normes strictes imposées par Bruxelles et qui ne s’appliquent pas aux producteurs étrangers qui importent en France font partie des raisons de la colère. Les marges indécentes des distributeurs et intermédiaires sont aussi en cause tout comme la pression fiscale et la hausse de la taxe sur le gazole non routier. Plus généralement, les conditions de vie indignes dans lesquelles vivent des agriculteurs Français et les retraites de misère qu’ils touchent contribuent au mécontentement.
26 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, et en 2015, la Mutuelle Sociale Agricole dénombrait pas moins de 604 suicides parmi ses bénéficiaires. La situation de la paysannerie française est alarmante et même dramatique à considérer les enjeux culturels et de souveraineté alimentaire.
Méprisés par une certaine gauche verte et mélenchoniste car trop près de la terre, les agriculteurs ont payé les pots cassés des traités européens, en profitant néanmoins parfois de largesse de la Politique Agricole Commune. La question agricole compliqué puisqu’il s’agit d’envisager la misère de certains exploitants et l’opulence « d’hommes d’affaires agricoles » comme Arnaud Rousseau, président de la FNSEA qui importe lui-même de la viande d’Amérique du Sud.
L’issu du bras de fer engagé contre l’Etat dépendra grandement de la détermination des bases syndicales, et des non-syndiqués, à imposer leurs revendications.
Il s’agira aussi de voir comment opéreront les agriculteurs vis-à-vis de la CGT qui leur a tendu la main sachant que le ralliement des différentes gauches aux Gilets Jaunes avait fini par affecter le mouvement.
La difficulté pour les paysans français résidera également dans la nécessité de maintenir la pression sans tomber dans une violence qui risque de discréditer leur action à grand renfort d’attaques médiatiques. A quelques mois des élections européennes, la mobilisation agricole peut enfin peser dans le scrutin de juin. Un risque qui pourrait pousser le gouvernement à lâcher du lest pour éviter d’alimenter un vote contestataire, pas seulement celui des paysans mais de ceux qui s’identifient à eux et les soutiennent. Ceux-là ont généralement tendance à voter à droite.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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