La récente publication d’un sondage donnant Marine Le Pen vainqueur à la présidentielle a suscité l’enthousiasme de ses soutiens et la crainte de ses détracteurs. À trois ans et demi de la présidentielle, il convient d’envisager ces études d’opinion avec beaucoup de recul.
Dans un sondage Ifop pour Valeurs Actuelles Marine Le Pen est donnée à 36 % au premier tour, largement devant les hypothétiques candidatures Gabriel Attal ou Edouard Philippe - donnés à 22 %. Au second tour, elle obtiendrait 50 % des voix contre le maire du Havre et 51 % contre l’actuel Chef du gouvernement. À gauche, Jean-Luc Mélenchon est le mieux placé mais n’atteindrait que 14 % des suffrages contre près de 22 % en 2022. En dehors des candidats de la majorité macroniste, de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, le fossé se creuse. Éric Zemmour et Laurent Wauquiez sont les seuls donnés au-dessus de 5 % avec 6 et 5,5 points. Derrière, les gauches se partagent les miettes. L’enseignement principal de l’étude est la restructuration du paysage politique autour de l’opposition entre le centre au pouvoir et le Rassemblement National. En progression constante, le RN semble bénéficier de la conjoncture et de sa stratégie de « discrétion » avec des élus qui ne font pas d’esclandre et peu de propositions, se montrant « constructifs ».
Sondage n’est pas raison
S’il a été suffisamment reproché à Jean-Marie Le Pen de ne pas vouloir prendre le pouvoir, il est difficile d’appliquer une telle critique à l’endroit de sa fille. En jaugeant l’opinion et en ajustant son discours, le RN de Marine Le Pen tente de créer les conditions d’une possible arrivée aux manettes. Cependant, la présidentielle demeure lointaine et le chemin sera semé d’embûches. Lors des élections régionales de 2020, le RN était donné gagnant en PACA et une surprise était envisageable dans une autre collectivité. Finalement, rien. Le danger pour le parti présidé par Jordan Bardella est aujourd’hui de se fier à des études qui semblent le surestimer. Si cela peut bénéficier à une mobilisation de ses électeurs, galvanisés par la perspective d’une victoire, ces sondages peuvent aussi permettre aux oppositions de battre le rappel des électeurs.
L’imprévu en politique
Être placé au sommet dans les sondages a aussi pour effet délétère d’aiguiser les petites ambitions dans un parti politique. Les grands ralliements se font, eux, dans la dernière ligne droite ou une fois l’élection remportée, tandis que les batailles intestinales peuvent se déclencher en amont. Des ambitieux, il n’en manque dans aucun parti politique, mais dans une formation comme le RN, dans laquelle le recyclage professionnel, dans le public comme dans le privé, demeure compliqué, l’enjeu est de taille pour les élus. Les petites guerres d’influence entre les clans ont toujours existé dans ce parti comme dans d’autres, mais avec de telles projections sondagières, on peut envisager un crêpage de chignon pour d’hypothétiques postes de ministres. À trois ans et demi de l’élection présidentielle, être donné aussi haut dans les études d’opinion n’est pas un cadeau pour le parti de Marine Le Pen. Un problème de riches, certes, quand on constate le déclin de la gauche mélenchoniste, mais un problème tout de même. Un autre résultat qu’une première place aux européennes de 2024 sera considéré comme une défaite après deux scrutins continentaux remportés pour le RN, et dans deux ans et demi, le parti devra faire face à une échéance électorale compliquée avec les municipales, élections qui ne lui réussissent pas. Demeurent aussi une multitude d’inconnues parmi lesquelles le traitement judiciaire réservé à Marine Le Pen, mais aussi l’avènement de personnalités politiques inattendues, comme ce fut le cas en 2017. La conjoncture économique, la guerre sur le Continent, la crise migratoire et le déclassement de la classe moyenne seront aussi des facteurs à regarder de près.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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