
Les formations « historiques » du bipartisme français choisiront cette année leurs chefs de file respectifs. Chez Les Républicains, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau croisent le fer pour la présidence du parti, tandis qu’au Parti socialiste, ils sont désormais trois à briguer le poste de Premier secrétaire. Condamnés depuis l’avènement du macronisme à une place résiduelle lors des scrutins nationaux, LR et PS entendent profiter de la fin du cycle jupitérien pour revenir en force. Et cela semble devoir passer par un combat des chefs. Rien de bien nouveau de ce côté-là !
« Les chiens aboient, la caravane passe ». L’expression, lâchée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, n’a pas manqué d’outrer Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l’Assemblée. Ce dernier, non sans une certaine candeur – probablement feinte –, a appelé à éviter « des phrases avec des mots qui peuvent être blessants ». Dans le même temps, l’ancien patron de la région Rhône-Alpes ne ménage pas son rival, accusant l’exécutif – auquel Retailleau est désormais lié – d’avoir « capitulé avant même de livrer bataille » sur la question algérienne. Laurent Wauquiez mise tout sur la différenciation entre la droite qu’il entend incarner et le macronisme, auquel Retailleau s’est indirectement rallié en intégrant le gouvernement. La manœuvre est habile, et c’est sans doute la seule stratégie viable pour Wauquiez, qui part de loin avec un soutien limité parmi les cadres du parti. Pendant ce temps, Retailleau, fort d’une image très droitière forgée ces derniers mois, semble porté par les études d’opinion.
Au PS, l’équation est plus complexe. À la candidature du sortant Olivier Faure s’ajoutent celles de son ancien allié Boris Vallaud, chef de file du groupe socialiste à l’Assemblée, et de Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et ancien prétendant au poste de Premier secrétaire. En toile de fond de cette guerre intestine se joue la question cruciale de la relation avec La France insoumise (LFI). Les mélenchonistes ont été une assurance-vie électorale pour les socialistes lors des deux dernières élections législatives. Mais une partie des cadres du PS, notamment la vieille garde, refuse de se laisser dicter sa ligne par des collègues experts en provocations, dont les liens avec des organisations violentes suscitent le malaise.
Nicolas Mayer-Rossignol, dont la défaite face à Olivier Faure avait donné lieu à des accusations de tricherie, veut sa revanche. Soutenu par Carole Delga, présidente de la région Occitanie, et Anne Hidalgo, maire de Paris, il ambitionne d’incarner une alternative à l’alliance avec LFI. Son projet ? Construire une plateforme présidentielle avec Raphaël Glucksmann, qui avait redonné des couleurs au parti à la rose lors des dernières européennes.
Le 5 juin, les socialistes éliront leur nouveau Premier secrétaire, moins de trois semaines après Les Républicains. Passage obligé pour ces formations dans l’espoir de renaître après la parenthèse macroniste, ces scrutins internes ne sont qu’un prélude à une longue quête pour le pouvoir. Le paysage politique français, bouleversé par l’émergence d’Emmanuel Macron, a relégué ces deux partis, encore majoritaires localement (villes, départements, régions), à une difficulté chronique à renouer avec un « destin national ». La verticalité de formations comme LFI, le Rassemblement national ou le parti présidentiel – qui, cette fois, ne pourra pas s’appuyer sur son champion – constitue un atout pour une élection présidentielle, évitant les querelles internes trop encombrantes. Le revers de la médaille ? L’absence de « démocratie interne » et de courants dans ces partis. Un « pluralisme interne » qui a longtemps permis aux socialistes comme à la « droite parlementaire » de rassembler largement.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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