Source [Causeur] Hier soir, le président a prononcé une de ses longues allocutions. En esquissant un “nouveau chemin” pour la France, il a confirmé qu’il ne comptait pas partir, et qu’il ne tranchait jamais, comme François Hollande. Ce que vous aviez lu était trop beau pour être vrai.
Il y a trois jours dans le Figaro, les opposants d’Emmanuel Macron ont pu trouver de quoi se réjouir, sous la plume de Carl Meeus. Le quotidien indiquait que le chef de l’État aurait évoqué l’hypothèse d’une démission surprise à son premier cercle de donateurs de Londres, lors d’une visioconférence. Par cette manœuvre, le président aurait voulu provoquer une élection présidentielle anticipée. « Je suis sûr de gagner, car il n’y a personne en face », se serait-il même pavané.
Les services de l’Élysée avaient beau avoir démenti entre temps cette information, poliment qualifiée de “loufoque” par les communicants, Causeur s’est tout de même branché devant le poste de télévision, hier soir. On ne sait jamais.
Aller à la télévision pour ne rien dire, il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. 20 minutes de monologue présidentel, hier soir ! Macron ne réalisera donc pas le coup d’éclat imaginé par le Figaro. Après cette allocution, on peut identifier deux types de réactions:
Il y a d’abord les légitimistes, qui, à l’instar du philosophe Alain Finkielkraut dans notre dernier magazine, estiment que la pandémie a changé la donne, et que “rien n’est plus affligeant que l’inaptitude française à former une véritable communauté politique” en période de crise. Ils prennent acte de la nouveauté de la situation et soutiennent le président, estimant que les critiques incessantes sont usantes, surtout quand le président “cesse de faire du Macron”.
Et puis, il y a tous les autres. Ils sont nombreux (66% des Français estiment que l’exécutif n’a pas été à la hauteur de la crise sanitaire). Macron a tenté hier soir de ménager toutes les sensibilités. ll est conscient que le pays est très divisé, et que la “bienveillance” qu’il réclame en fin de discours est rarement au coin de la rue dans l’hexagone.
Il a d’abord donné quelques gages à une droite nationale puissante, excédée par les profonds désordres qui ont repris sitôt le confinement terminé. Il dit: “Je nous vois nous diviser pour tout et parfois perdre le sens de notre Histoire. Nous unir autour du patriotisme républicain est une nécessité. (…) Je vous le dis très clairement ce soir mes chers compatriotes, la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire. La République ne déboulonnera pas de statue.” Pour en être certain, et à défaut de proposer une dissolution de l’Assemblée, il aurait pu formuler le souhait de voir se réaliser celle du comité Adama Traoré. Il n’est évidemment pas allé jusque-là. La plume rouge de Causeur Jérôme Leroy aurait-elle vu juste, en écrivant que pendant qu’on discute de la statue de Colbert, le libéralisme peut se refaire la cerise ?
Le président a ensuite adressé un gros clin d’œil à cette jeunesse qui ne semble plus guidée que par l’émotion, et qui s’enivre d’un prétendu sentiment de discrimination. “Nous sommes une Nation où chacun, quelles que soient ses origines, sa religion doit trouver sa place. Est-ce vrai partout et pour tout le monde ? Non.” Évidemment, Macron a promis de corriger cela.
Enfin, il n’a pas oublié de cajoler sa base, qui après avoir rêvé d’un Grand Soir libéral lors de l’élection de 2017, connait des lendemains bien difficiles.
Pour ceux que rien ne terrifie plus que les gilets jaunes ou une économie à l’arrêt, le mot “travail” a été prononcé 25 fois. Macron a félicité le pays d’avoir fait le “choix humaniste” de préférer la santé à l’économie en confinant le 16 mai, mais il a confirmé qu’il fallait retourner au turbin à présent. Il a annoncé la réouverture de tous les cafés et restaurants pour ce lundi. Quant aux enseignants qui trainent la patte, ils ont pour consigne de rouvrir intégralement tous les établissements le 22 juin, pour que les parents puissent retourner à leurs migrations pendulaires.
Après une cuillère pour les patriotes, après une cuillère pour une jeunesse manipulée et un rappel des fondamentaux à son électorat bourgeois, le président n’a envisagé aucune mesure radicale sur les sujets les plus préoccupants pour le pays: délitement du sentiment national, séparatisme banlieusard ou souveraineté économique. Le diagnostic est donc établi, mais la seule annonce qui sera suivie d’effets est l’arrêt de la mue de nos caniveaux en gigantesques paillotes de plage moches. Comme toujours sur Causeur, faisons contre mauvaise fortune bon cœur: c’est déjà ça de gagné !
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