Source [Atlantico] A l'occasion du lancement de son think-tank, le Centre d'analyse et de prospective (CAP), Marion Maréchal a accordé un long entretien à Atlantico dans lequel elle revient sur la crise sanitaire, le recul des libertés, le populisme ou la laïcité.
Jean-Sébastien Ferjou : Pour commencer, une question d’actualité qui peut-être rejoint malgré tout le fond de ce que vous souhaitez construire avec le think tank que vous lancez : que vous inspire la politique sanitaire du gouvernement et notamment dans ce qu’elle indique de son rapport aux libertés puisqu’on a pu avoir l’impression parfois qu’il n’y avait pas une très grande proportionnalité entre les mesures prises, le côté liberticide qu’elles pouvaient avoir et l’efficacité qu’on pouvait en attendre ?
Marion Maréchal : Je suis comme les 15 millions de Français, d’après la Fondation Jean Jaurès, qui sont déprimés… mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Je crains en effet que nous ne soyons rentrés dans un processus très inquiétant et dont nous ne sortirons que très difficilement. A la fois parce que s’est installé de façon quasi normale et permanente le réflexe de l’état d’urgence et donc de la sortie de l’état de fonctionnement ordinaire de nos institutions. Et parce que nous sommes entrés dans une société du principe de précaution, éprise de risque zéro. Je redoute que ces comportements et leurs traductions réglementaires perdurent bien au-delà de la crise sanitaire.
Les gens me disent qu’il faut toujours faire preuve de précaution parce que l’on ne sait pas comment on aurait agi à la place de ceux qui gouvernent… Certes. Mais je pense qu’on ne peut pas juger le gouvernement en mars comme on le juge aujourd’hui avec six mois de recul. On sait maintenant globalement à peu près ce qu’est ce virus, qui il touche et quelles étaient les faiblesses organisationnelles sur lesquelles travailler. Sans prétendre bien sûr à la certitude que j’aurais fait mieux, j’assume pour ma part de formuler un diagnostic. Et de ne pas me réfugier dans le confort de l’acceptation docile de dérives que j’estime graves au simple motif d’un principe de précaution qui régirait aussi la vie politique.
Sur le diagnostic, j’ai ainsi été frappée que la stratégie du gouvernement soit quasi-exclusivement tournée vers l’évitement de la saturation de l’hôpital public. On a totalement mis de côté la question du traitement de la maladie comme celle de la médecine libérale. Toute la partie préventive du traitement également. Quitte à raisonner sur ce seul critère, qui, j’insiste, n’était pas le plus évident, on aurait pu attendre que le gouvernement se montre beaucoup plus offensif sur la façon d’armer l’hôpital public depuis mars ou en tout cas de permettre son désengorgement. Or, de ce point de vue, non seulement peu de choses ont été faites sur le court terme mais peu de choses ont été pensées sur le moyen-long terme. La seule décision vraiment mise en œuvre par le gouvernement, c’est ce Grenelle de la santé qui a essentiellement consisté à dire que l’on allait augmenter les salaires des soignants. Très bien. Mais cela ne pose pas la question structurelle de l’hôpital. Car derrière la crise sanitaire, il y a en réalité une crise hospitalière.
Beaucoup de choses pourraient encore être dites en rentrant dans les détails comme on peut s’en rendre compte à la lecture des rapports parlementaires sur le sujet. Mais ce qui me frappe tout particulièrement aujourd’hui, c’est que je vois à la fois disproportion et incohérence dans la réponse du gouvernement face au Coronavirus. Et de manière d’autant plus grave que cela touche la question des libertés publiques. Pas besoin d’être grand clerc pour savoir que l’un des enjeux cardinaux du bon fonctionnement de nos sociétés, de nos démocraties libérales, est de trouver un point d’équilibre entre les libertés fondamentales et l’ordre public. Tout est construit à partir de là.
On ne doit toucher aux libertés fondamentales que dans la mesure où la défense de l’ordre public est en jeu. Et dans la mesure où l’on respecte une stricte proportionnalité entre les éventuelles restrictions des libertés et l’efficacité qu’on peut en attendre en matière d’ordre et d’intérêt général. Toutes les libertés sont organisées sur le plan législatif à partir de cette ligne rouge là. Le réflexe qui devrait systématiquement être celui des gouvernements est de ne jamais toucher que d’une main extrêmement tremblante aux libertés fondamentales.
Malheureusement, je crois que l’on peut affirmer que ce souci de l’équilibre a complètement disparu depuis le début de cette pandémie. Je le dis du gouvernement mais je pense aussi à une grande partie de la droite qui n’est absolument plus le garant de cet équilibre entre ces deux impératifs et qui, au contraire, pour des raisons électoralistes, s’est drapée dans une posture de concentration absolue sur la question de l’ordre public au mépris total des libertés publiques. C’est à mes yeux une erreur fondamentale car je pense qu’il est vain d’espérer un ordre public durable sans que ne soit d’abord assuré le respect de ces libertés.
Je m’en inquiète d’autant plus que je vois aujourd’hui deux menaces sur nos libertés fondamentales. D’une part, cette question de la crise sanitaire qui remet en cause notre liberté la plus essentielle de travailler et circuler librement, avec des décisions prises en l’absence de consensus scientifique réel et sans que nous ayons été capables – en 9 mois !- de réunir les données incontestables qui attestent de l’efficacité du confinement indifférencié ou de l’efficacité du port du masque généralisé, en extérieur notamment. L’autre grande menace vient de la question de l’islamisme et de la lutte contre le terrorisme mais j’y reviendrai plus tard
Crise sanitaire, crise de la cohésion nationale sous la pression de l’islamisme, nos libertés sont donc menacées sur deux fronts. Nos libertés associatives, nos libertés éducatives, nos libertés de circulation sont remises en cause sans que soit même véritablement posée la question de l’équilibre entre leur impact sur la vie des Français et l’efficacité qu’on peut raisonnablement en attendre. Plus inquiétant encore, englués comme nous le sommes dans la crise actuelle, nous ne prenons absolument pas la mesure de ce que cela pourrait impliquer sur le long terme. Notre histoire incite malheureusement à se méfier de ces moments où l’Etat et l’administration étendent leur emprise sur la vie du pays. Les retours en arrière ont tendance à être rares et limités.
Sur la question des vaccins, un grand scepticisme traverse l’opinion française, plus que dans d’autres pays, n’y-a-t-il pas un grand paradoxe à développer une peur presque irraisonnée du vaccin alors que les gens fument, roulent trop vite sur l’autoroute ou que nous avons tous des comportements à risque dont on sait qu’ils font bien plus de morts que ce qu’un éventuel vaccin ne fera jamais ? Au regard de la relative impuissance des gouvernements européens face au virus, ne pas se faire vacciner n’équivaut-il pas à choisir de renoncer à 15% de nos revenus en subissant une crise économique majeure ?
Il est devenu politiquement incorrect de dire que l’on n’a pas envie de se faire vacciner. Je ne suis pas anti-vaccin.
En revanche, je comprends que les gens puissent être un petit peu inquiets des conditions dans lesquelles ont été faits ces vaccins, avec un certain nombre de grands médecins et de spécialistes qui disent eux-mêmes qu’ils n’ont pas d’informations scientifiques, ils n’ont que des éléments d’ordre marketing des labos. Ce n’est quand même pas un acte neutre que de se faire vacciner.
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