Source [Atlantico] Emmanuel Macron s'est exprimé lundi soir devant 200 députés et sénateurs de la majorité, dans un contexte marqué par les conflits internes. Il a affirmé que "ce qui est mortel en politique, c'est la division."
Atlantico : Un sondage IFOP/ Fiducial pour le JDD et SudRadio publié dimanche donne Benjamin Griveaux et Cédric Villani au coude-à-coude (respectivement à 17 et à 15%) pour les municipales à Paris. Cette division du parti du Président de la République révèle-t-elle que LREM est une forme de coalition qui ne dit pas son nom ? Ou est-ce plus complexe ?
Christophe Boutin : La première chose à noter est je crois et la constante du vote en faveur d’Emmanuel Macron et de son parti dans la capitale. Rappelons en effet que Macron, au premier tour de la présidentielle de 2017, avait obtenu dans le département de Paris 35 % des suffrages exprimés – il était monté à 889,68% lors du second tour -, et que la liste emmenée par Madame Loiseau aux élections européennes, dépassant certes la seule République en marche, puisque le MoDEM y était associé, avait obtenu près de 33 % des suffrages exprimés (32,92%). Or, si l’on prend le sondage que vous évoquez, on constate que les scores conjugués de Benjamin Griveaux et de Cédric Villani montent à 32 %. La capitale confirme l'ancrage du parti présidentiel.
Peut-on pour autant parler comme vous le faites de « division du parti du Président de la République », et aller jusqu’à se poser la question de savoir si LaREM ne serait pas une coalition ? Certes, les deux personnages, Griveaux et Villani, symbolisent bien deux ralliements différents à Emmanuel Macron en 2017, ceux de l'apparatchik et du représentant de la société civile. Griveaux, collaborateur de DSK, a fait au PS une carrière d’élu local à Chalon-sur-Saône et, proche du directeur de Terra Nova, Olivier Ferrand, a su se rapprocher ensuite d’Emmanuel Macron pour obtenir un siège de député puis un poste de secrétaire d’État, d’abord auprès du ministre de l’Économie puis comme porte-parole du Gouvernement. On se souvient de son mépris pour les « gens qui fument des clopes et roulent au diésel » de la France périphérique, qui lui a peut-être valu de devoir être exfiltré de son ministère par ses services de sécurité le 5 janvier 2019, quand quelques Gilets jaunes en ont forcé la porte. Quant à Cédric Villani, le médaille Fields surfe sur son image de mathématicien médiatique qui, après avoir soutenu la candidature d’Anne Hidalgo en 2014, a choisi de s’investir dans le mouvement qui allait porter Emmanuel Macron à la présidence.
Deux origines différentes donc, et deux méthodes différentes : quand Griveaux, en bon apparatchik, recherche le soutien des élus, dans son parti et au-delà - et a obtenu celui de l’UDI -, Villani contre attaque en recherchant le soutien des militants et des médias soucieux de fronder le candidat désigné pour se donner des airs d’indépendance. Différence de tactique enfin : si Griveaux entend gagner la bataille en élargissant le centre en capitalisant sur cette droite bourgeoise qui a rejoint aux européennes de 2019 un Macron qui avait restauré l’ordre public dans ses quartiers chics, Villani joue le trouble-fête qui bénéficierait de la vague de « dégagisme » et de la volonté encore largement présente chez certains de « renverser les tables », ce qui pourrait attirer des électeurs EELV ou des déçus de mélenchonisme indigéniste.
Mais plus que d’une division entre courants – ni l’un ni l’autre ne disposent de structures derrière eux -, qui traduirait le fait que LaREM soit cette « coalition » que vous évoquez, on peut se demander s’il ne s’agit pas de la tactique du « et en même temps » adaptée au mode de scrutin des municipales. Griveaux et Villani, dans des genres différents, peuvent on l’a vu rabattre des électeurs vers LaREM, et leur concurrence permettrait de voir quel est le réservoir le plus important. On pourrait alors ensuite en sacrifier un, espérant ainsi tourner en tête au premier tour pour surfer sur cet élan et l’emporter au second. Mais est-ce bien utile ? Même s’ils vont jusqu’au bout de leur démarche, c’est-à-dire au premier tour des municipales, le Président pourra toujours obliger à une fusion de leurs listes entre les deux tours. Ce seront alors les électeurs de EELV et LR qui seront les juges de paix des élections dans la capitale.
Olivier Gracia : Jouer sur les divergences dans le parti est une technique très habile pour mener une forme de grand rassemblement avant le 1er tour des municipales dans un second temps.
Benjamin Griveaux a fait un très mauvais début de campagne et Cédric Villani a su gagner le cœur et la sympathie de quelques parisiens. Il serait donc très habile que les deux mènent deux campagnes distinctes, fassent deux fois plus de bruit que n'importe quel candidat, avec à la fin un ralliement de Cédric Villani à Benjamin Griveaux.
D'ailleurs, on connait les liens de Cédric Villani et d'Emmanuel Macron : le premier doit au second toute sa carrière politique en tant que député et on imagine mal Cédric Villani se lancer pleinement dans la course si Macron lui avait formellement interdit de le faire. Quand Jean-Jacques Bourdin lui pose la question, durant sa matinale, Cédric Villani bote en touche, ne veut pas répondre, ne veut pas révéler les échanges avec Emmanuel Macron.
Cela laisse penser qu'il y a deux campagnes distinctes qui un jour vont fusionner et qui avec les voix cumulées vont former un front efficace contre Anne Hidalgo. Ce serait politiquement très habile de la part du Président de la République.
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