Un sommet européen a lieu cette semaine. Atlantico fait le tour des enjeux cruciaux.
Atlantico.fr : Quels sont les enjeux du prochain sommet européen ?
Guillaume Klossa : L’enjeu principal du sommet européen des 17 et 18 juillet est de se mettre d’accord sur le montant et la répartition du plan de relance annoncé par la Commission Européenne dans la foulée de l’accord franco-allemand du 18 mai. Pour la relance, la Commission a proposé 750 milliards d’euros dont 500 millards de subventions et 250 de prêts. Pour obtenir cet accord, il faut une unanimité, vingt-trois États y sont favorables avec la France et l’Allemagne en tête, mais quatre États y sont réticents (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark). Le budget européen sera également décidé lors de ce sommet : les pays dits « frugaux » devraient demander une réduction du budget et la confirmation de leur rabais en contrepartie d’un accord sur la relance dont ils tenteront de réduire le montant.
Jean-Paul Betbeze : L’enjeu majeur est celui de la consolidation politique de l’Europe, au moment même où l’on voit les États-Unis en pleine récession et divisions internes et dans une opposition de plus en plus violente par rapport à la Chine. Une Chine qui n’annonce guère qu’un ralentissement à 1% cette année, avant une reprise en 2021 à 9%. Aux Etats-Unis, ce serait plutôt -8% de croissance du PIB cette année, 4,5% l’an prochain : pas de rattrapage. Ce sera pire en zone euro : -10,2% puis 6%...si tout se passe bien. L’obligatoire consolidation politique de l’Europe vient du fait que, atteinte par la pandémie, elle se divise économiquement de plus en plus, ce qui est la recette la plus sûre pour repartir plus lentement, sinon éclater.
Les discussions monétaires et financières qui vont se mener « en présentiel » à Bruxelles sur des programmes de relance sont la traduction de ces questions politiques. Si l’Europe veut avancer dans un monde où la Chine est de plus en plus présente et les États-Unis de plus en plus chez eux, elle n’a d’autre choix que d’être plus forte, autour d’un programme financier plus intégré, donc d’être politiquement plus unie.
À quels blocages doit-on s’attendre ?
Guillaume Klossa : Nous sommes dans un moment historique : l’U.E. va devoir faire face à la plus grande crise économique et sociale depuis celle de 1929. La rentrée pourrait être un véritable massacre économique et social. Il faut se donner les moyens de réduire l’impact négatif des conséquences de cette crise.
Or, pour avoir les leviers économiques les plus forts et moins coûteux, il faut ensemble emprunter et construire une stratégie commune de relance et de transformation. Les marchés, les entreprises et l’opinion publique sont très favorables à ce plan de relance, ce qui met une pression supplémentaire sur les institutions européennes et les États membres. L’intérêt objectif des pays « frugaux » est de consolider le marché intérieur et notamment les marchés français, espagnol et italien face à la tentation de repli et de protectionnisme des américains et chinois.
C’est un accord extrêmement important car il peut changer radicalement la donne au niveau européen dans la mesure où il suppose le développement de nouvelles ressources propres pour le financer, des transferts massifs et une augmentation nette du budget de l’UE. Cet accord est également un pas majeur vers une intégration européenne plus poussée. Pour autant, un accord sur le plan de relance n’est pas synonyme de son efficacité. Il est important qu’il y ait rapidement une discussion, une réflexion, sur le contenu de ce plan de relance afin d’en définir les priorités et sur sa méthode de mise en œuvre. Il ne s’agit pas seulement de relancer l’économie européenne mais de la transformer. Il s’agit davantage de faire en sorte que l’Europe demeure compétitive dans un monde où les Chinois ont une stratégie de relance et de transformation très aboutie et où les Américains font preuve de beaucoup plus de souplesse pour introduire de l’argent dans leur économie.
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