Source [Marianne] Le changement de titre du roman d'Agatha Christie “Dix petits nègres” a fait réagir le monde de l'édition, globalement opposé à ce genre de "relecture". Plusieurs livres témoignent de ses craintes face à la montée du "politiquement correct".
Le plus drôle, c'est que ce n'est sans doute qu'une affaire d'argent. Les héritiers d'Agatha Christie, menés aujourd'hui par l'arrière-petit-fils de la reine du crime, James Prichard, ont déjà largement prouvé qu'ils ne s'embarrassaient guère de scrupules pour faire fructifier l'héritage de grand-maman. Bien qu'elle ait clairement exprimé son désir que cela n'arrive pas, allant jusqu'à elle-même faire mourir préventivement Hercule Poirot dans un roman écrit en 1941 mais publié seulement en 1975, Poirot quitte la scène, ils n'ont pas hésité à piétiner sa volonté en faisant revivre le détective sous la médiocre plume d'une nommée Sophie Hannah.
À cette aune, les déclarations de James Prichard affirmant vouloir débaptiser Dix petits nègres (1939) et le retitrer Ils étaient dix pour respecter la volonté de son ancêtre (en gardant quand même l'ancien titre sur la couverture, au cas où certains n'auraient plus fait le lien…) pouvaient au mieux faire sourire. Mais cet irrespect commercial soigneusement médiatisé s'est étendu au texte, modifié 74 fois pour remplacer le terme « nègre » (qui désigne dans le roman un lieu et jamais un personnage) par celui de « soldat ». Cette hypocrite façon de faire passer du vieux pour du neuf surfe sur une vague qui exaspère beaucoup d'éditeurs et d'auteurs : le politiquement correct.
« C'est fondre sur les symboles faciles plutôt que sur les vrais problèmes, s'insurge Eric Naulleau, éditeur et chroniqueur. Aujourd'hui, la morale anglo-saxonne l'emporte sur nos valeurs. » « Que va-t-on faire ensuite ? réplique Yves Mollier, auteur de Interdiction de publier (2020). Enlever systématiquement le mot “nègre” de la littérature ? Interdire Aimé Cesaire et Léopold Sedar Senghor qui l'utilisaient avec fierté ? Ne plus parler d'“art nègre” ? Censurer le nègre du Surinam, cet admirable passage antiraciste du Candide de Voltaire ? Aux États-Unis, la dernière édition de Huckleberry Finn a enlevé tous les “nigger” du livre de Mark Twain. C'était stupide : le livre est profondément antiraciste, et le terme était le seul crédible dans la bouche d'un gamin du Mississipi à la fin du XIXe siècle. »
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