Le dialogue entre catholicisme et orthodoxe ne peut être fécond qu'en s'enracinant dans la Tradition, facteur d'unité.
Source [Le Salon Beige]
Suite de notre dialogue à retrouver ici.
En se reposant sur le sein des saints Pères. Retour sur les propos d’un hiéromoine.
Une série de questions a été posée aux occidentaux. Un hiéromoine byzantin séparé interpelle la conscience catholique sur la connaissance que nous avons des grands saints et docteurs de l’Orient. Chacun peut juger si ces questions relèvent de critiques faciles ou d’un encouragement fraternel. Sixte Bréchignac s’est déjà exprimé sur ce point.
En son temps, le Salon Beige avait déjà porté à l’attention des liseurs sur les livres d’Arnaud de Beauchef et des prêtres de la Fraternité saint Pierre. Le premier volume L’Oraison pour tous (2018) faisait suite à une expérience d’initiation à la prière en paroisse. Ce livre veut être un parcours adressé aux hommes d’aujourd’hui. Voici précisément les maîtres dont les textes constituent l’essentiel du livre : Saint Ephrem le Syrien (p. 19), Isaac le Syrien (p. 43), Saint Maxime le Confesseur (p. 67), saint Jean Climaque (p. 87), Saint Macaire d’Egypte (p. 109), Saint Hilaire de Poitiers (p. 125) dont on sait qu’il est très vénéré par les byzantins, et enfin saint Jean Chrysostome (p. 143).
Le Hiéromoine pourra comme nous profiter des brèves introductions à la vie de ces saints qui se retrouvent aussi dans le deuxième volume de L’Oraison pour tous, toujours aux éditions Nuntiavit : saint Jean Damascène (p. 29), saint Antoine le Grand (p. 49), Saint Syméon le Nouveau Théologien (p. 65), Hésychius de Bathos (p. 83), Origène d’Alexandrie (p. 97), Tertullien (p. 117), et Jean de Dalyatha (p. 139).
C’est une coïncidence que les auteurs mentionnés par le Hiéromoine se trouvent tous présentés et loués dans ces petits ouvrages, en revanche ce n’est peut-être pas une coïncidence si ces ouvrages émanent de chrétiens indéfectiblement attachés à la liturgie romaine ancienne laquelle entend tourner la religion très sainte vers la Trinité dans la prière Suscipe Sancta Trinitas et bien d’autres.
Dans sa réponse le hiéromoine évoque le « désert liturgique » des romains et l’abandon de « la liturgie romaine de saint Grégoire ». Il a bien raison de s’en inquiéter mais ce n’est pas juste de ne pas faire mention de ces catholiques qui vivent paisiblement de ces trésors surtout au moment où ces mêmes chrétiens manifestent un vif intérêt pour la patristique orientale. Je viens d’en donner un exemple.
La réponse la plus adéquate à apporter au terme des échanges sur ce blog serait certainement de lire et relire ces livres afin d’y trouver la paix (l’hésychia) si nécessaire à la rencontre avec l’Eternel.
Concernant saint Augustin, nous lisons de la part de ce père ce qui suit : « A part saint Augustin, vos racines ne remontent pas plus loin que le douzième siècle. » Il semble qu’il y ait là l’expression d’une méprise courante concernant saint Augustin. C’est un lieu commun chez les byzantins séparés d’attribuer tous les malheurs de l’Occident au vénérable évêque d’Hippone. On la trouve par exemple chez Michael Azkoul, The Influence of Augustine of Hippo on the Orthodox Church, 1990 ou encore Mgr Chrysostomos Etna. Il s’agit au vrai d’une critique assez nouvelle. Il suffit de se tourner vers des savants avisés pour voir ce qu’il en est réellement. Dans les lignes qui suivent, je laisse les byzantins eux-mêmes encourager tous les chrétiens à lire et méditer saint Augustin.
Voici quelques extraits d’un autre hiéromoine, Seraphim Rose dans son livre The Place of the Blessed Augustine in the Orthodox Church, 1983.
Le livre est en lui-même une leçon de discernement et de paix intérieure qui n’empêche pas les positions anti-romaines de l’auteur.
« de la part des orthodoxes, les excessives réactions à certaines exagérations d’Augustin sont pire que les erreurs qu’ils croient corriger. De cette façon le bienheureux Augustin devient non seulement le bouc émissaire qu’on va charger de toutes les erreurs théologiques possibles …mais quelque chose de plus dangereux encore : un prétexte pour une philosophie élitiste qui prônera la supériorité de la sagesse orientale sur tout ce qui est occidental. » (p. VI)
« Laissons les critiques des enseignements d’Augustin continuer leur travail s’il le veulent, mais qu’ils le fassent avec plus de charité, plus de compassion, et plus d’Orthodoxie, plus de compréhension pour le bienheureux Augustin qui est dans le même Paradis auquel nous aspirons, à moins que nous voulions nier l’orthodoxie de tous ces Pères que nous tenons pour saints […] Le bienheureux Augustin a toujours appartenu à l’Eglise Orthodoxe… » (p. VII)
« Des Pères occidentaux, très certainement comme Saint Ambroise, Hilaire de Poitiers, ou Cassien on une très grand pénétration des mystères chrétiens… » (p. 43)
« Soyons plus humbles, plus aimant et plus miséricordieux dans notre approche des Pères de l’Eglise. Il faut que notre amour pour la continuité de l’indivisible ancienne tradition chrétienne ne se mesure pas seulement par la précision de la doctrine mais aussi par notre amour pour ces hommes qui nous ont transmis cette Tradition. Parmi ces hommes figurent le bienheureux Augustin autant que Grégoire de Nysse malgré leurs erreurs respectives. » (p. 45)
L’auteur finit en rappelant que lire les Philokalia est excellent mais que les « éléments les plus sûrs du sens profond de la repentance, de l’ardeur du cœur, et de l’authentique piété orthodoxe rayonne à travers toutes les pages des légitimement fameuses Confessions d’Augustin. »
Il serait loisible de citer abondamment toute une littérature byzantine qui se réapproprie le grand docteur latin, voici un modèle du genre : Orthodox readings of Augustine, St. Vladimir’s Seminary Press, 2008. Il y est montré que l’anti-augustinisme moderne vient d’une relecture des Pères à l’aune de la controverse palamiste que je n’aborderai pas ici.
Il suffit de rappeler que Grégoire Palamas (+1359) est invariablement cité pour alimenter les controverses avec l’Occident, or Jean Meyendorff disait déjà de Grégoire Palamas qu’il était « l’un des auteurs les plus augustiniens de l’Orient chrétien » (Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, p. 175).
Comme le dit un éminent patrologue et prêtre du patriarcat russe : « il convient de simplement écouter Augustin qui fut prédicateur et pasteur d’âmes. De cette façon, les chrétiens de la tradition occidentale autant qu’orientale pourront se trouver en présence d’un Père de l’Eglise, l’un de ceux dont la voix parle avec autorité depuis le cœur de l’Una Sancta. » (Orthodox readings of Augustine, p. 293)
Vivre du trésor semble encore pour beaucoup la route à suivre, certainement sur cette route se formeront des amitiés improbables et des communions imprévisibles.
Un prêtre de rite romain traditionnel.
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