Source [Marianne] A peine nommé ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti déchaîne déjà les passions. Pour le syndicat majoritaire chez les magistrats, cette nomination a en effet des accents de « déclaration de guerre ».
Eric Dupond-Moretti a été nommé ce 6 juillet garde des Sceaux du gouvernement de Jean Castex. La nomination du célèbre avocat, connu pour ses critiques régulières à l'encontre des magistrats, interpelle la profession.
Mais quelle mouche a piqué Macron ? La demi-douzaine d’avocats et de magistrats consultés depuis 19h sont sans voix. Interloqués. Médusés. Sous le choc. Aucun magistrat en poste évidemment ne souhaite être cité pour réagir officiellement à la nomination dans le fauteuil du Garde des Sceaux du « bouffeur de juges » qu’est Eric Dupond-Moretti. « Sa vie durant, ce pénaliste a plaidé en disant qu’il ne pourrait lui même jamais être magistrat et le plus souvent en traitant de nuls de la pire espèce les juges d’instruction qui avaient mené l’enquête et les procureurs qui portaient l’accusation ! Alors forcément, pour tous les juges de ce pays, cette nomination ne pas va être facile à digérer », s’époumone un ancien bâtonnier. « Que Dupond soit le Badinter du nouveau monde, cela en dit long sur ce qu’est le nouveau monde », réagit un autre avocat. « Je ne comprends pas la logique derrière cela, alors qu’on pensait que François Molins remplacerait Nicole Belloubet », réagit un procureur.
Les prochains jours permettront peut-être d’éclairer les raisons de ce choix, et de comprendre comment le célèbre pénaliste a pu se retrouver dans les petits papiers du pouvoir, lui qui s’en est toujours tenu à distance. Est-ce via Bernard Tapie, qui l’admire, reçu récemment à l’Elysée, où via Nicolas Sarkozy, dont il est si proche ? « Ce sera injouable pour les magistrats d’être représentés par quelqu’un qui est à ce point en porte à faux avec eux, à leurs antipodes », s’énerve un pénaliste parisien, persuadé « que Dupond démissionnera d’ici la fin de l’année. »
Le fait est que les principaux traits de caractère d’Eric Dupond-Moretti, qui ont fait de lui un grand avocat, si ce n’est le plus grand de sa génération, paraissent difficilement compatibles avec l’exercice de la politique : il est incontrôlable, n’a jamais supporté la moindre parcelle d’autorité et il est surtout très susceptible. Des défauts a priori éliminatoires pour occuper son nouveau poste ! « On verra, il va être très surveillé, et il n’est pas dit qu’une fois passé de l’autre coté du miroir, il ne devienne pas demain le plus farouche défenseur… des magistrats », espère l’un d’eux.
Bruno Thouzellier, aujourd’hui à la retraite, et ancien président de l’USM, le syndicat majoritaire, est lui aussi interloqué de la nomination d’Eric Dupond-Moretti : « Sa détestation des magistrats est si forte, évidente, connue, paranoïaque presque, que cela dénote de la part du président de la République soit une incompréhension totale de ce que nous sommes, soit une volonté évidente de provocation. Le nommer à la Justice est une marque de mépris totale pour les juges. Comme il est intelligent peut-être qu’à l’arrivée, Dupond va simuler un rabibochage. Nous verrons. L’institution judiciaire est forte, elle va faire front même si nous n’avons pas la même résistance que celle des syndicats policiers. Ce n’est pas forcément une catastrophe absolue, mais c’est un coup terrible qui est porté à la justice ».
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