Source [Marianne] Le président de la région de Sicile, Nello Musumeci soutenu par la droite et l’extrême-droite italienne, a signé ce dimanche 23 août un arrêté d’expulsion de tous les migrants en situation irrégulière actuellement hébergés dans les centres d’accueils implantés sur l’île. Une décision inapplicable, a rétorqué le ministre de l’Intérieur.
Le torchon brûle entre Rome et la Sicile. Au prétexte que les migrants amassés dans des conditions épouvantables dans les centres d’accueil construits en Sicile représentent un vecteur de propagation de l’épidémie de SARS-CoV-2, le président de cette région, Nello Musumeci, a ordonné leur transfert immédiat sur le continent d’ici mardi 25 août. « La Sicile ne peut pas être envahie par les migrants tandis que l’Europe se voile la face. Pendant que le gouvernement refuse de prendre les mesures qui s’imposent pour enrayer l’immigration clandestine, pour garantir la sécurité des habitants en faisant respecter les mesures de prévention de la contamination dans les centres de rétention », a-t-il estimé.
L’arrêté d’expulsion, quasiment épais comme une Evangile, prévoit « que compte tenu du manque de structures adéquates, les migrants qui tentent d’entrer en Sicile à bord de petites et grandes embarcations ou de navires affrétés par les ONG, ne pourront plus entrer, transiter et s’arrêter en Sicile afin de protéger la santé publique ». Une décision inacceptable et surtout, inconstitutionnelle, rétorque le ministère de l’Intérieur en rappelant que la gestion des flux migratoires est réglementée par des lois nationales selon l’article 117 de la Constitution italienne. « Le président d’une région ne peut en aucun cas donner des ordres aux préfets, par conséquent, la décision de Nello Musumeci ne vaut rien ! » a pour sa part ajouté Luciana Lamorgese, ministre de l’Intérieur et ancienne préfète.
L’affaire n’est pas pour autant enterrée, le gouvernement ayant décidé de contester l’arrêté du président de la Sicile devant les tribunaux. Entre-temps, Rome fera semblant que le problème n’existe pas pour éviter de raviver l’incendie notamment sur une question politique. Car tout en admettant que la situation de la Sicile est grave, les centres d’accueil étant complètement saturés, le gouvernement sait que la population locale est exaspérée. Il sait aussi que la droite et l’extrême-droite, les parrains politiques de Nello Musumeci, sont prêtes à s’emparer de la dispute pour relancer le débat sur la question migratoire. Et que le risque d’une montée de l’intolérance peut rapidement se transformer en une véritable chasse aux « super contaminateurs extra-communautaires », le surnom donné par la droite et l’extrême-droite italiennes aux migrants en situation irrégulière.
Durant les derniers jours, la courbe épidémiologique est repartie vers le haut et les tests de dépistage effectués dans les centres de rétention provisoires siciliens ont permis de détecter des dizaines de cas de contaminations avérées. Suffisamment pour mettre un peu d’essence dans les moteurs de la droite et de l’extrême-droite. Suffisamment, aussi, pour inquiéter la population locale qui soutient la position de Nello Musumeci sans pour autant partager toutes ses convictions politiques. Dans ce contexte largement explosif, Rome veut donc éviter de sortir l’artillerie lourde et attendre que les magistrats affirment que seul l’Etat peut intervenir. Quitte ensuite à trouver une solution de compromis afin d'alléger la pression migratoire sur la Sicile. Et, en parallèle, à renforcer les contrôles en Méditerranée pour freiner les débarquements qui ont recommencé à s’intensifier à la faveur de l’été. Depuis le mois de juillet, plus de 10.000 migrants ont traversé la mer Méditerranée pour arriver en Sicile.
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