[Source : Le Salon Beige]
Extrait d'une interview donnée par Romain Huret, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, aux lecteurs du Monde :
"On se focalise aujourd’hui sur l’Amérique déclassée, mais il faut bien voir que Donald Trump a réussi ce que Ronald Reagan avait réussi en 1980 : il a réussi à créer une alliance électorale entre, d’un côté, une élite conservatrice, et de l’autre côté, une Amérique pauvre et ouvrière. C’est une alliance tout à fait étonnante, il ne faut pas réduire le vote pour Trump à celui d’une Amérique déclassée. L’histoire se répète, Reagan avait de la même façon réussi à rassembler ces deux Amériques.
Le Brexit, le vote pour Trump, n’est-ce pas la confirmation d’une montée du nationalisme ou d’un retour à un souverainisme ?
Oui, absolument, dans les deux cas on voit bien se réaffirmer l’idée de nation, l’idée de souveraineté des peuples, mais je dirais aussi que, ce qui rapproche ces deux événements, c’est le volontarisme. Dans les deux cas, les citoyens ont eu le sentiment de reprendre leur destin en main et Trump a parfaitement incarné ce retour du volontarisme politique (...) il a été élu pour agir et pour mettre un terme à ce qui apparaît comme inéluctable. L’Union européenne apparaissait comme un horizon indépassable en Grande-Bretagne, tout comme la mondialisation aux Etats-Unis apparaissait comme inéluctable, et Trump a promis de mettre un terme à ça et de faire en sorte que l’Amérique reprenne son destin en main.
Est-ce que l’arrivée au pouvoir de Reagan (...) a provoqué la même consternation ? Dans quelle mesure peut-on établir une analogie ?
Oui, l’élection de Ronald Reagan a provoqué la même consternation et incompréhension. Beaucoup pensaient qu’il était incapable d’exercer la fonction suprême, n’oublions pas que c’était un ancien acteur hollywoodien. Beaucoup, y compris dans son propre camp, ne croyaient pas à son programme économique : George Bush père parlait d’« économie vaudoue » pour désigner son programme de réduction des impôts. Il ne faut pas oublier cela quand on voit qu’aujourd’hui Reagan est présenté comme l’un des plus grands présidents américains du XXe siècle (...) Une fois de plus, l’analogie est très, très forte avec Ronald Reagan et ce qui s’est passé en 1980.
Plus qu’un clivage gauche-droite, ou démocrate-républicain, n’a-t-on pas assisté à un clivage politique entre les « anti-élites » et les « autres » ? N’est-ce pas là, au vu des évolutions politiques de ces dix dernières années en Europe, et du Brexit en particulier, la vraie redéfinition du débat politique mondial pour les années à venir ?
Je ne crois pas à cette vision simpliste de la campagne et du résultat pour la bonne et simple raison qu’une grande partie de l’élite américaine a voté Trump. Comme je l’ai dit précédemment, il a réussi à recréer l’alliance qui avait permis à Reagan de l’emporter. Ce qui peut se jouer en France et en Europe, c’est de voir le même type d’alliance se mettre en place. Mais en tout cas, je crois qu’il ne faut pas oublier que l’électorat de Donald Trump ne peut pas se résumer au seul électorat populaire et ouvrier. Et n’oublions pas que lui-même appartient au monde des élites médiatiques et économiques."
- Mayotte, Bethléem… pour Noël, ces chrétiens esp...
- Gouvernement Bayrou : la liste des ministres dé...
- L’Humanité enquête sur les « cathos réacs » : h...
- Feiz e Breizh Noz 2024 : un pèlerinage nocturne...
- L’enfant giflé par François Bayrou en 2002 est...
- Toulouse : le chauffeur de bus insulté par un f...
- Euro numérique, Bitcoin et cryptomonnaies : mai...
- François Bayrou sous pression, réunion au somme...
- La guerre d’Ukraine et la question des frontières
- Sonia Mabrouk: dernier appel avant la catastrophe