Source [Boulevard Voltaire] C’est fait, le nouveau « couple » franco-allemand est formé. Olaf Scholz, nouveau chancelier, est venu vendredi à Paris rencontrer Emmanuel Macron. Ce dernier avait fait le voyage à Berlin en 2017 au lendemain de son investiture, tout comme Nicolas Sarkozy en 2007. François Hollande, en 2012, lui, avait pris l’avion, le jour même de son entrée en fonction, sitôt changé de costume après sa rincée sur les Champs-Élysées.
Les Français se précipiteraient donc plus vite que les Allemands pour franchir le Rhin afin de rencontrer leur homologue. La faute à l’agenda ou faut-il y voir autre chose ? Comme le faisait remarquer Coluche, politologue décidément irremplaçable, on évalue bien les poignées de mains des grands de ce monde au mètre de pellicule ! Mais foin de mauvais esprit.
Ce « cher Olaf », qu’Emmanuel Macron tutoie déjà (vous me direz il tutoie bien le pape), est venu rencontrer le Président français, pour respecter ce qui est désormais une coutume. Comme le précise le communiqué de l’Élysée, « cette rencontre était l’occasion de poursuivre le travail franco-allemand en faveur du renforcement de la souveraineté européenne ». La « souveraineté européenne », c’est son grand truc en plumes, à Emmanuel Macron, un concept fumeux qui se traduit, en fait, comme ça : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est aussi à moi. » Je vous laisse deviner qui est « moi » et qui est « toi ».
Mais au fait, qui est donc Olaf Scholz ? Âgé de 63 ans, cet avocat de formation a derrière lui un long passé politique au sein du SPD, le Parti social-démocrate d’Allemagne, qui donna les chanceliers Willy Brandt (1969-1974), Helmut Schmidt (1974-1982) et Gerhard Schröder (1998-2005). Aujourd’hui, bien propre dans son costume bleu, tout comme celui de Macron, le crâne dégarni qui fait si rassurant, on a du mal à imaginer qu’il fut ce jeune homme chevelu des années 80 « se situant à l’extrême gauche de l’échiquier politique, n’hésitant pas à prôner le “dépassement de l’économie capitaliste” » et qui se sentait « alors bien plus proche des communistes de RDA que des responsables ouest-allemands », selon L’Express. Toujours au début des années 80, il s’opposait à l’installation des missiles nucléaires américains de moyenne portée sur le sol de la République fédérale d’Allemagne et en appelait à sortir de l’OTAN. On imagine qu’avec les années en plus et les cheveux en moins, l’homme a dû rencontrer son pilier de Notre-Dame et se convertir à l’économie de marché et au parapluie otanien.
À partir des années 90, il entame le cursus honorum classique qui permet de faire sa mue de militant gauchiste en politicien bien propre sur soi : Bundestag, sénateur de Hambourg (là, on imagine qu’il avait trouvé le chemin du coiffeur), secrétaire général du SPD, ministre fédéral du Travail et des Affaires sociales sous Merkel I (gouvernement de coalition avec la CDU), premier bourgmestre de Hambourg, c’est-à-dire chef du gouvernement de la ville libre et hanséatique de Hambourg, président du SPD, vice-chancelier d’Allemagne et ministre fédéral des Finances sous Merkel IV et, enfin, la timbale chancelière, à la suite de Merkel.
Sa personnalité ? On le dit autoritaire : « Cet homme ne supporte aucune contradiction », affirme le leader de l’opposition CDU à Hambourg, rapporte L’Express. Merkel passait pour une main de fer dans un gant de velours. Les Allemands et, par voie de conséquence (!), les Européens ont-ils hérité d’une main de fer dans un gant de fer ? Son autoritarisme se traduit déjà au plan intérieur par la composition de son gouvernement. Le Spiegel y voit « une démonstration de force », Scholz ayant, par exemple, nommé des personnalités clivantes, notamment le ministre de la Santé, l’épidémiologiste Karl Lauterbach (SPD), favorable à l’obligation vaccinale et considéré par le journal Die Welt comme une « bombe politique ». Ça promet.
Pas certain que les numéros de charmeur de serpents de Macron impressionnent beaucoup le personnage. Un personnage attaché à la rigueur budgétaire qu’on avait un peu oubliée ces derniers temps pour les raisons que l’on sait. Emmanuel Macron, à la veille de recevoir son homologue, affirmait (non sans raison) vouloir « sortir des vieux tabous », estimant la « question des 3 % dépassée ». Vendredi, il militait pour le « sérieux budgétaire ». Comme quoi… En revanche, on aimerait connaître la position du nouveau chancelier sur la contribution de son pays à la lutte contre le djihadisme en Afrique, la France étant relativement seule sur ce plan. En mars dernier, le ministre des Affaires étrangères allemand, Heiko Maas (SPD), affirmait que l’Allemagne n’avait pas l’intention d’envoyer plus de soldats au Sahel. On imagine que son successeur, l’écolo Annalena Baerbock, est sur la même ligne.
Un nouveau couple franco-allemand est formé. Pour combien de temps ?
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