Source [Le Figaro] Le géographe Laurent Chalard expose les enjeux géographiques des élections européennes à venir. Ce qui importe tient de savoir s’il y aura encore un parti bénéficiant d’une assise électorale globale, lui permettant de l’emporter en 2022, ou si l’on se dirige vers une fragmentation territoriale, expose-t-il.
Le mouvement des Gilets jaunes, amorcé en novembre 2018, a définitivement mis en exergue l’importance de la question territoriale en France, avec une mobilisation fortement différenciée entre le cœur des grandes métropoles, dont Paris, où elle a été faible, et les espaces périurbains subis ou ruraux, où elle a été très poussée. Cette répartition spécifique a fait revenir sur le devant de la scène la géographie électorale, puisque les populations hexagonales semblent avoir des opinions politiques irréconciliables selon le type de territoires où elles résident, ce qui, bien évidemment, est susceptible d’avoir un impact non négligeable sur les résultats électoraux. Il s’ensuit que la cartographie du vote à l’occasion des élections européennes de mai 2019 pour ce qui émerge, depuis l’élection présidentielle de 2017, comme les quatre principaux partis, en l’occurrence LREM, le RN, LR et LFI, nous donnera un éclairage primordial sur leurs dynamiques respectives pour les prochaines années. Il convient donc de s’interroger sur les principaux enjeux géographiques pour chacun d’entre eux pour le scrutin de mai.
Pour LREM, le parti du Président de la République, son succès électoral de 2017 relevait d’une géographie du vote reposant sur une alliance entre les plus grandes villes, à fort pourcentage de cadres bien intégrés dans la mondialisation, et la France centriste de la façade atlantique, moins urbaine mais relativement épargnée par le chômage, correspondant grosso modo aux zones de force du vote pour François Bayrou des élections présidentielles de 2007. En conséquence, pour l’élection européenne de 2019, le principal enseignement sera de voir si la liste emmenée par Nathalie Loiseau va réussir à conserver cette assise territoriale diversifiée, lui assurant la victoire. En effet, si LREM devrait préserver, voire renforcer, son avantage dans les métropoles, qui plus est dans un contexte où une partie de la population y résidant est excédée par les dégradations effectuées par des «gilets jaunes» depuis plusieurs mois dans les centres-villes, par contre, dans la France centriste de la façade atlantique, moins urbanisée, rien n’est moins sûr car ces territoires ont été peu avantagés par les politiques menées par Emmanuel Macron depuis son accession à la charge suprême, en particulier l’instauration de la limitation de vitesse à 80 Km/h ou la hausse des taxes sur le diesel. Il se peut donc qu’une partie de cet électorat centriste déçu se détourne de LREM. D’ailleurs, à Pau, fief de François Bayrou, principal allié de LREM, le mouvement des Gilets jaunes a été très suivi, ce qui n’est pas forcément un bon signe pour ce parti. La géographie du vote LREM aux Européennes constituera donc un test sur la capacité du Président de la République à se maintenir à long terme. S’il perd le vote de la France centriste de la façade atlantique, son avenir s’annonce incertain.
Concernant le RN, le parti de Marine Le Pen, il a vu son assise géographique se modifier et s’étendre au fur et à mesure du temps, conduisant lors des dernières élections présidentielles de 2017 à acter sa dualisation entre un «sud», correspondant au littoral méditerranéen (avec une annexe dans la vallée de la Garonne), fief historique plutôt poujadiste, et un «nord», correspondant à une large partie du nord-est du pays, nouveau fief ouvrier lié à un discours plus social de l’ex-Front National ces dernières années. A contrario, le RN recule dans les grandes métropoles depuis les années 1980 et affiche toujours de moindres scores dans l’Ouest. En mai 2019, si un regain de vote pour le RN dans les métropoles apparaît peu vraisemblable, le divorce étant acté, par contre, il sera intéressant de voir si la tendance au basculement vers le nord-est va se poursuivre dans un contexte d’un LR très droitier (ligne Ciotti) concurrençant le RN sur le littoral méditerranéen, alors qu’inversement, au nord, l’extrême-droite semble bénéficier d’un boulevard devant elle du fait de l’absence d’une offre politique alternative répondant au mal-être des populations de ces territoires. De même, la liste de Jordan Bardella réussira-t-elle sa «conquête de l’Ouest», jusqu’ici relativement réfractaire à ses idées, dans un contexte de forte mobilisation des Gilets jaunes dans cette partie de la France? En fonction des gains et/ou des pertes territoriales du RN, on saura si ce parti est voué à jouer éternellement un rôle tribunitien, à l’instar des communistes par le passé, ou si la perspective de le voir arriver un jour au pouvoir n’est pas totalement à écarter.
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