Source [Pierre de Lauzun pour Aleteia] Le premier niveau possible est celui de la crise financière, de l’explosion. On pourrait le croire faible, car pour une fois la crise ne provient pas de la sphère financière ni même de l’économie au sens large.
Mais notre économie se caractérise par un degré exceptionnellement élevé d’endettement, bien supérieur à ce qu’il était en 2008. Or c’est la dette qui transforme une crise sur un marché en crise systémique, car elle crée une effet domino par dépendance des acteurs les uns des autres. La baisse de la Bourse, du marché des actions, pour spectaculaire et inquiétante qu’elle soit, n’est pas en soi désastreuse, sauf pour les investisseurs concernés et encore car la Bourse pourra rebondir après la crise. En revanche, une crise dévastatrice sur les marchés de la dette est possible si l’idée s’accrédite que trop de débiteurs sont insolvables. C’est donc de l’économie non-financière que dépendra la santé du secteur financier. Bien sûr les banques centrales interviendront massivement ; mais en soi cela ne compense pas la perte réelle des institutions créancières.
Or, sans mesure correctrice, l’économie non-financière ne peut que souffrir énormément des mesures de confinement et du recul de l’activité. La perte de production devrait être telle que le PNB annuel recule de façon appréciable. Cela dit, les gouvernements ont pris et continueront à prendre des mesures correctrices considérables pour soutenir l’activité, pour aider les entreprises à traverser la période, et permettre la poursuite du crédit bancaire. Tout cela aidera bien entendu les entreprises concernées, et par là leurs créanciers, rendant un peu moins probable une crise financière. On peut donc espérer éviter un effondrement. D’autant plus que les marchés savent que la crise n’a pas une origine économique et financière ; une fois surmontée sur le plan sanitaire, la possibilité d’une reprise est plausible. Cela ne veut pas dire qu’une crise grave est exclue, loin de là, même si on peut espérer l’éviter. Mais même alors, le temps perdu ne sera pas rattrapé, et l’année devrait se terminer sur une récession en bonne et due forme, sans précédent depuis la guerre.
Des effets plus profonds et plus durables
Peut-on cependant que l’effet de la crise sera limité dans le temps ? Non, car elle aura de toute façon des effets profonds et durables.
Le premier effet, souvent relevé, est le retour de l’Etat, de l’Etat national et non de l’Union européenne d’ailleurs. C’est une différence par rapport à 2008, où les banques centrales étaient en première ligne. Retour évident de l’Etat en matière sanitaire et médicale, mais aussi économique. Ce qui a une conséquence bénéfique, qui est de démentir l’idée fausse et répandue du dépassement des Etats. Et une moins bénéfique, qui est de décupler les attentes de la population à leur égard, comme on le voit en matière hospitalière où de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer le manque de moyens. Or il est évident que si on peut faire mieux, on ne peut pas tout faire. La France a un budget santé comparable à celui de l’Allemagne, mais 2 fois moins de lits. Son niveau de dépenses publiques est le plus élevé de l’OCDE, et pourtant elle a singulièrement mal préparé cette crise. Ce n’est donc pas qu’il n’y a pas assez de dépenses publiques, mais qu’elles sont mal orientées. Quel que soit le gouvernement, la manière française de réduire les dépenses, c’est la méthode budgétaire : on réduit là où c’est plus facile, c’est-à-dire là où il y a le moins de protestations. Alors qu’il faudrait tailler durement certaines dépenses, et en augmenter d’autres – à l’hôpital par exemple. Car ce dont on aurait besoin c’est d’un Etat plus fort et plus ambitieux, certes, mais aussi bien plus concentré.
Le risque est qu’on ait une pression encore plus forte en faveur de la dépense publique, alors même que nos Etats sont très endettés, et le seront plus encore après l’effort exceptionnel (justifié) de soutien de l’économie pendant la crise. Et donc les tendances déjà malsaines à l’œuvre depuis des décennies vont se trouver aggravées. De même les mesures monétaires accommodantes risquent de se pérenniser. A terme l’issue de ces dérives n’est pas prévisible, mais risque d’être très grave : c’est la perte de confiance dans la monnaie et dans le crédit public, la pire crise qui soit. Encore une fois, le coup de collier pendant la crise est justifié, coûte que coûte. Mais à chaque fois ce ne devait être qu’un coup de collier temporaire, et on en fait une addiction.
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