Source [Atlantico] La Chine a assuré qu’elle ne dévaluerait pas sa monnaie, une pratique pourtant courante. La Chine est-elle en train de perdre la guerre commerciale qui l'oppose aux Etats-Unis ?
Voici les éléments de réponse apportés par Michel Ruimy, professeur à l'ESCP, aux questions d'Atlantico.
Atlantico : Dans le cadre de la guerre commerciale qui oppose la Chine aux Etats-Unis, l’Empire du milieu a assuré qu’elle ne dévaluerait pas sa monnaie, pratique pourtant courante dans une guerre commerciale. Comment expliquer ce choix alors que le pays a été soupçonné plus d’une fois d’utiliser ce stratagème ?
Michel Ruimy : Il faut savoir que le régime de change de la monnaie chinoise est assez illisible. En effet, chaque matin, la banque centrale établit administrativement mais… en tenant compte, en théorie, des réactions du marché !, un cours pivot - le taux de change officiel - par rapport à un panier de devises composé de dollars, d’euros et de yens. Ce niveau ne peut pas varier de plus de 2%, à la hausse ou à la baisse. On peut dire ainsi que le cours du yuan n’est ni totalement fixe, ni totalement flottant, et qu’il est entre deux régimes à la différence du dollar américain ou de l’euro, qui sont librement convertibles sur le marché des changes. Les autorités souhaitent, en fait, depuis longtemps que le yuan renminbi se rapproche autant que possible d’une fluctuation « libre » car ils aspirent à ce que leur monnaie soit reconnue comme une monnaie de réserve, une manière de battre en brèche la domination du dollar et des Etats-Unis.
Or, le yuan est une monnaie mineure dans le commerce international : il ne représente qu’un peu moins de 5% des transactions contre 30% pour l’euro et 45% pour le dollar américain.
Depuis son pic de 2014, le yuan renminbi n’a fait que reculer face au billet vert. En perdant 10% face au dollar depuis le mois d’avril, la monnaie chinoise a atteint son niveau le plus bas depuis deux ans, offrant ainsi des marges de manœuvre aux exportateurs ciblés par les tarifs douaniers américains entrés en vigueur le 6 juillet. Les Etats-Unis estiment que le yuan est déjà assez sous-évalué comme cela d’autant que cette baisse nourrit le spectre d’une guerre des devises à mesure que le conflit commercial s’enlise. Car l’outil monétaire, ici utilisé à la baisse, permet de jouer sur l’attractivité et la compétitivité-prix des exportations chinoises sur les marchés mondiaux... un fait très mal accepté de la part de ses partenaires commerciaux, au premier rang desquels se trouvent les Etats-Unis. Dans ce contexte, cette déclaration peut surprendre. Mais, pas tant que cela. Il pourrait s’agir d’un jeu de « poker menteur » avec les marchés dont les autorités chinoises sont coutumières... Car la dépréciation du yuan renchérit le coût de ses importations et diminue les revenus des ménages en termes réels. Ceci irait à l’encontre des efforts des autorités pour doper la consommation intérieure, son nouveau credo. D’autre part, une dévaluation peut entraîner des fuites de capitaux hors de Chine et aboutir à une chute de la devise chinoise plus forte qu’espérée. Ces dernières années, la banque centrale est parvenue tant bien que mal à gérer le repli de sa devise au prix d’interventions sur le marché des changes en vendant une partie de son stock de titres d’Etat américains - Treasury bonds - et des dollars pour acheter des devises comme des euros voire des yuans. Aujourd’hui, l’avantage d’une monnaie dévaluée pour les exportateurs serait plus que compensé et annihilé par l’instabilité financière et la volatilité générées par la chute du renminbi. Les achats auraient un effet limité sur la parité du yuan si les autres intervenants étrangers et chinois (assureurs, entreprises, banques...) ont des opinions négatives vis-à-vis de l’évolution de cette devise et deviennent donc plutôt vendeurs. C’est pourquoi, la banque centrale a donc intérêt à les convaincre qu’elle ne dévaluera pas et qu’elle désire une baisse du yuan pour pouvoir en acheter, si besoin est, sans faire augmenter son cours. Elle offre déjà, aux entreprises locales, le remboursement des droits de douane sur les marchandises importées des États-Unis. Qui plus est, la Chine a envoyé un signal fort aux investisseurs internationaux en annonçant l’assouplissement des restrictions de propriété étrangère dans certains secteurs.
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