Source [Atlantico] Les plans nationaux européens pour relancer l'économie vont-ils pouvoir garantir une bonne répartition des milliards d'euros débloqués par la BCE ? Quels sont les pays européens ayant réussi à établir un plan de relance économique efficace et cohérent ?
Atlantico.fr : Les plans nationaux européens pour relancer l'économie sont-ils suffisamment concrets afin de garantir une utilisation utile des milliards d'euros débloqués par la BCE ?
Jean-Paul Betbeze : D’abord, rien ne sera rapide. Le COVID-19 a atteint une économie française qui allait un peu mieux, mais qui n’était pas en forte reprise. Les preuves abondent de la faiblesse de la croissance française : pas simplement le déficit budgétaire ou le chômage permanent mais, fondamentalement, le fait que les entreprises françaises n’arrivent pas à exporter et ne sont pas suffisamment rentables. Les deux. Les salaires sont élevés par rapport à une productivité et une compétitivité insuffisantes. Tout ceci entraîne des pertes de parts de marché externes et internes, un sous-investissement permanent et une formation insuffisante des salariés. C’est dans ce contexte de « convalescence précaire » que le COVID-19 est arrivé, avec des effets très négatifs et violents.
Les plans européens auront des effets dans plus de deux ans. Avant, dans le trouble de la crise, rien n’aurait marché, faute de visibilité. En urgence il s’est ainsi agi d’arrêter la dégradation des trésoreries des entreprises, notamment des PME. Elles ont en effet réagi en allongeant leurs délais de paiement, remède individuel, catastrophe globale. Fort heureusement les banques ont joué le jeu de soutien aux entreprises, et la puissance publique a permis le financement du chômage partiel et aussi de différer diverses taxes et impôts. Bref, à court terme, le pire a été évité, même si la chute a été importante. Qu’est-ce que cela aurait été sans cela ?
Pour les mois qui suivent, les entreprises ne savent toujours pas trop ce qu’il va se passer, en France comme ailleurs. C’est bien pour cela qu’il est important, en France comme ailleurs, de prolonger, en les réduisant graduellement, les programmes d’aide et de soutien, en particulier le chômage partiel et de préparer aussi des plans sectoriels à moyen terme (aviation, automobile, culture...) pour montrer les ruptures obligatoires. En même temps, la Banque Centrale Européenne sera toujours là.
C’est à ce moment-là que l’on verra mieux la nature et le contenu des programmes européens. Pour le moment en effet, on parle de centaines de milliards de soutien à des écosystèmes. Tout ceci est évidemment très important mais vague, parce que le cadrage politique n’est pas encore là. Il faut en effet que les partenaires de l’Union Européenne acceptent, au-delà des milliards proposés, le principe d’une Union de transfert qui soutient la démarche d’ensemble. Ce n’est pas fait, et c’est bien pour cela que les prévisions de l’Union Européenne commencent en 2021/2022. Il s’agit donc d’un plan à moyen terme, complémentaire des actions monétaires et budgétaires, très largement commencées sur une base nationale.
Il faut donc éclairer l’avenir. On voit en effet que les entreprises ont immédiatement décidé d’arrêter les embauches et certaines de lancer des programmes de licenciement. On voit également que les programmes de soutien monétaire et budgétaire ont permis à des entreprises déjà très fragiles de continuer à exister, et personne ne sait combien de temps cela pourra durer, notamment si la reprise est lente.
Il faut donc ne pas considérer que l’excès d’épargne chez les ménages est la « garantie » de la reprise économique, par leur dépense. Cette épargne est la conséquence du confinement, à savoir l’impossibilité physique de dépenser et aussi des peurs sur l’emploi. Donc il faudra du temps pour que, au niveau européen, les choses deviennent plus claires – et plus sûres. Et, tout de suite, il faut expliquer et convaincre en France, des efforts à faire. Aujourd’hui, il faut se remettre à produire de manière plus efficace que jamais.
Quels pays européens ont réussi à établir un plan de relance économique efficace et cohérent ?
L’Allemagne semble-t-il, en appui de ses entreprises (qui sont solides) et à l’aune des capacités de ses comptes publics (qui sont sains). Inutile de comparer : par temps de crise, l’Allemagne peut bénéficier de son sérieux (et en faire bénéficier les autres).
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