Source [Causeur] En 1922, des écrits de Lénine préfigurent les théories "décoloniales". Pour Vitaly Malkin, né sous Staline en URSS, les méthodes utilisées aujourd’hui en France par certains militants – «suppression» de leurs opposants, réécriture de l’histoire, discrimination positive – rappellent celles des Soviétiques. Décidément, nous ne savons pas tirer les leçons de l’histoire.
Il existe un argument bien connu, de nos jours, pour clouer le bec à son adversaire. Un argument, qui comme son jumeau inversé, le point Godwin, empêche son interlocuteur d’aller au bout de ses pensées et que l’on pourrait appeler l’anti-reductio ad Stalinum : « Oui, mais c’était sous l’Union soviétique » (comprenez « cela n’a rien à voir »). Pour une raison qui m’échappe, il est considéré comme suspect, ou coupable, d’établir la moindre comparaison entre la situation actuelle et la vie sous un régime totalitaire. Comme si ces rapprochements ne pouvaient qu’être ou hors de propos ou dangereusement anachroniques.
Et pourtant, j’affirme qu’il existe aujourd’hui en France une intolérance comparable à celle qui avait cours dans mon pays. Les méthodes utilisées par certains militants pour interdire des débats à l’université, « supprimer » symboliquement leurs opposants et réécrire l’histoire du point de vue d’une catégorie ethnique ou religieuse n’ont rien à envier à celles dont j’ai été témoin en Union soviétique, avant de m’en émanciper, personnellement, dans les années 1980.
En arrivant en France, je ne m’attendais pas à ce que la gauche y soit encore soviétique. N’a-t-elle pas été guérie de ses erreurs par la chute de l’URSS ? Une partie des militants progressistes poursuit les luttes maoïstes ou trotskistes des années 1970. Autrement dit, malgré l’effondrement du communisme, ils continuent d’agir et de réfléchir avec les mêmes réflexes que l’extrême gauche de l’époque. Pour le dire dans les mots de Marx, les gauchistes n’ont « toujours pas réglé leurs comptes avec leur conscience philosophique d’autrefois ». Hélas, je doute que ces jeunes aient, ne serait-ce qu’un jour, entrouvert l’un de ses livres ni même étudié l’histoire de l’Union soviétique pour pouvoir régler leurs comptes avec cette époque. Ils ont préféré, au contraire, effacer l’ardoise, oublier le grand frère soviétique.
Bien des jeunes pensent défendre une noble cause en défendant l’« inclusion » des minorités. Pour neutraliser leurs opposants, les militants « intersectionnels » disqualifient leur personne au lieu de leurs idées, ou refusent tout simplement de débattre avec eux. Sans le savoir, ils adhèrent à une formule idéologique qui mérite d’être mise en perspective avec l’expérience.
Abstraction faite du contexte « féministe » ou « racialiste », il arrive à ces militants de reprendre, mot à mot, le discours de leurs prédécesseurs. Prenons l’exemple de la « discrimination positive » souvent évoquée au moment du mouvement Black Lives Matter, en juin, aux États-Unis. Vous savez, cette méthode qui consiste à donner la préférence à une minorité au nom de sa race ou de son origine. Mais si, vous savez ! Le jour des obsèques de George Floyd, Adidas annonce qu’elle embauchera 30 % de personnes noires et latinos(1). C’est bien connu, la voix du profit passe par la justice. « Diversity makes money », dirait-on à Hollywood.
Convaincus qu’ils rendent le monde meilleur, une partie des progressistes américains – et par conséquent, français – entendent imposer des quotas pour réparer les injustices subies et rendre les minorités « visibles ». Les rédactions du New York Times seraient « trop blanches » pour pouvoir parler du racisme systémique… Les militants identitaires n’ont que faire de la méritocratie à laquelle ils préfèrent la rhétorique dangereuse qui renvoie les individus à leur appartenance et leur propose des espaces « safe » ou « inclusifs » – ce qui ne laisse pas d’être contradictoire.
L’intention est peut-être louable. Le problème est qu’avant de se déployer sur les campus américains, à la faveur du mouvement pour les droits civiques des années 1960, cette méthode avait déjà été essayée et usée en Union soviétique. C’est un chapitre relativement méconnu de notre histoire, la discrimination positive a été l’une des grandes passions des bolcheviks. À la fin des années 1920, ils ont été les premiers à instaurer des quotas en faveur des minorités. Cette politique a été appelée korenizatsiya, « indigénisation » en français. Oui, vous avez bien lu. Dans les années 1920, le Parti communiste « indigénise » la Russie pour aller jusqu’au bout de son idéal égalitariste et créer ainsi une société nouvelle.
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