Source [Causeur] Il y a encore peu, le nom de Zhang Zhang, violoniste star d’origine chinoise, n’était connu que des amateurs de musique classique. Née en Chine pendant la révolution culturelle, cette musicienne a bien plus qu’une corde de violon à son arc. Militante universaliste, chef d’orchestre de la lutte contre le racialisme woke, la « cancel culture » et les assignations à résidence identitaire, Zhang Zhang est naturellement devenue la tête de turc des racistes-antiracistes, dont Ibrahim Maalouf. Rencontre avec une artiste courageuse, aussi à l’aise au sein d’un orchestre philharmonique que pour défendre la culture française, son pays d’adoption et de cœur.
Causeur. Comment avez-vous découvert la France ?
Zhang Zhang. A travers les livres et la musique classique. Enfant j’ai lu Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, dans une traduction chinoise. J’avais cette vision de la France en 1815, Edmond Dantès, le château d’If… Je pensais que c’était une histoire contemporaine ! La France me paraissait tellement magnifique et exotique.
Quel est votre Panthéon de la culture française ?
La première musique française que j’ai découverte, c’était celle de Debussy. Enfant, je m’endormais en écoutant mes parents, musiciens, jouer la sonate pour violon et piano. Pendant mes années universitaires, j’ai découvert d’autres styles de musique française, comme Serge Gainsbourg, Brassens, Barbara, puis Les Négresses Vertes, groupe sur lequel nous avions l’habitude de danser. Le cinéma est venu plus tard, quand j’ai pu mieux comprendre la langue et l’argot. Mes films français préférés sont assez anciens, surtout ceux dont les dialogues sont signés Michel Audiard. J’ai adoré « Les tontons flingueurs », « Les barbouzes » — qui a clairement inspiré « OSS 117 » !—, « L’aventure c’est l’aventure », « Ne nous fâchons pas », etc… J’ai vraiment une fascination pour la créativité folle et la liberté de ton de cette époque, de ses acteurs, et de ses artistes français en général. La scène d’exposé politique sur Staline “chauffard de la révolution” dans « L’aventure c’est l’aventure », quelle merveille !
J’imagine qu’il n’était pas possible d’accéder à tout cela en Chine, même si vos parents étaient des artistes célèbres?
Non, ils vivaient très modestement, dans une seule pièce. Dans un dénuement total. Seuls les dignitaires du Parti Communiste vivaient bien. Je suis tombé amoureuse de la culture française tardivement, aux États-Unis puis en arrivant en Europe. Je voue un culte à Jean Gabin, j’ai presque tous ses films dans ma collection. Dans « Le Pacha », il y a cette scène mémorable où il entre dans un studio d’enregistrement pendant que Serge Gainsbourg joue « Requiem pour un con », ce superbe morceau. J’aime ces films car la musique y joue un rôle majeur. Je pense aussi à Louis de Funès dirigeant Berlioz à l’opéra Garnier dans « La grande vadrouille », à la danse cosaque des serveurs dans « Le grand restaurant »…
Quel est votre film français préféré ?
Sans hésitation « Les tontons flingueurs ». J’ai quasiment appris le français grâce à Audiard. C’est vraiment le film parfait. La nourriture, autre passion française, est partout dans le film. D’ailleurs il n’y a que dans le cinéma français où la gastronomie est si présente, même dans les films de gangsters comme « Les Tontons » ou « Touchez pas au Grisbi ». Je connais par cœur la scène dans la cuisine des « Tontons Flingueurs ». Quelle bande d’acteurs incroyable ! Et la bande-son était fantastique. Oui, c’est vraiment mon film culte.
Vous avez d’ailleurs un côté tata flingueuse dans votre manière humoristique et piquante de défendre la France et les valeurs républicaines. Comment expliquer les attaques dont vous faites l’objet alors que vous défendez l’universalisme, la laïcité et la liberté d’expression?
L’intolérance, au nom d’une pseudo-tolérance, gagne du terrain. Au cours des derniers mois, j’ai été attaquée par toutes sortes de personnes représentant l’extrême gauche woke et parfois l’extrême droite. Certaines personnes veulent décider pour moi ce que devrait penser une femme d’origine étrangère. Je ne rentre pas dans la case qu’ils m’ont désignée, basée sur les stéréotypes, souvent racistes et sexistes, venant à la fois des progressistes militants et des conservateurs extrêmes. Je les agace.
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