Bruno Retailleau : un ministre face au sablier…

Depuis l’été 2024, Bruno Retailleau s’impose comme la figure montante d’une droite décomplexée. Candidat paradoxal, il bénéficie d’une cote de popularité flatteuse, mais sa marge de manœuvre reste très limitée. Il devra agir vite et bien s’il veut espérer s’inscrire dans la durée.

Bruno Retailleau a suivi une trajectoire politique sans accroc jusqu’à son ascension ministérielle : élu local évoluant dans l’ombre de Philippe de Villiers, puis sénateur et enfin président du groupe majoritaire à la Chambre haute.

Respectant ce cursus honorum républicain, il aspire naturellement à viser plus haut et se verrait volontiers succéder à Emmanuel Macron en 2027. Pour y parvenir, il devra d’abord l’emporter au sein de son parti face à Laurent Wauquiez. Largement favori, il bénéficie du soutien de la majorité des cadres des Républicains et semble promis à une victoire nette.

 

L’ascension de Bruno Retailleau est pourtant paradoxale. Ses débuts en politique furent marqués par un conservatisme discret et bon teint, alors que son émergence récente, en tant que « figure sécuritaire », s’est concrétisée au sein de gouvernements centristes dirigés par des chefs de gouvernement nommés par Emmanuel Macron.

 

Difficile, comme pour Gérald Darmanin, de ne pas voir dans ce parcours des similitudes avec celui de Nicolas Sarkozy. La comparaison peut flatter en termes d’ascension politique, mais elle s’arrête là. Le sarkozysme a surtout marqué la droite par la déception d’un quinquennat jugé raté dans presque tous les domaines : sécurité, immigration, économie. Sarkozy, censé incarner la droite, a cédé à la gauche en offrant des ministères à des figures comme Bernard Kouchner ou Rama Yade, tout en multipliant les signes de soumission culturelle au gauchisme et au cosmopolitisme, comme en témoigne son discours surréaliste sur le métissage. L’héritage sarkozyste est donc à manier avec précaution pour l’actuel ministre de l’Intérieur.

 

Le sablier politique, le casse-tête de Retailleau

 

Les manœuvres qui attendent Bruno Retailleau sont particulièrement délicates. Là d’autres candidats comme Jean-Luc Mélenchon ou Édouard Philippe peuvent se permettre de temporiser ou d’accélérer à leur guise, lui se trouve dans une position peu enviable. S’il reste trop longtemps dans un gouvernement qui ne lui donne pas les moyens d’agir face à l’Algérie ou sur la lutte contre le trafic de drogue, il sera tenu pour responsable des échecs de l’exécutif sur ces dossiers. À l’inverse, s’il quitte ses fonctions trop tôt, il devra se lancer dans une campagne marathon de plus de deux ans, ce qui n’est pas une mince affaire. Le récent désaveux de sa fermeté affichée face à Alger sera-t-il le moment opportun pour claquer la porte ?

 

Devra-t-il plutôt attendre son hypothétique élection à la tête de LR le 17 mai ?

Le moment choisi sera probablement décisif, tout comme la manière de s’extraire de ce bourbier centriste. LR cumule trois échecs consécutifs à la conquête de la magistrature suprême. Pour espérer progresser dans sa quête du pouvoir, Retailleau devra sans doute frapper fort à droite, tentant de rééditer le coup de Sarkozy en captant l’électorat du RN, tout en s’attirant les faveurs du centre-droit. Un équilibre difficile à maintenir, d’autant que cet espace politique s’est largement compromis dans le macronisme.

 

Fort d’une cote de popularité encourageante et représentant probablement le seul espoir de son camp, Bruno Retailleau devra déployer une stratégie redoutable, tout en espérant un alignement des planètes et des faux pas du RN. Sa marge de manœuvre demeure extrêmement étroite, et l’Élysée lui apparaît aujourd’hui encore bien lointain.

 

Olivier Frèrejacques

Président de Liberté politique