Quand l’art représente la montagne

Source [Conflits] : Peindre la montagne, c’est peindre un imaginaire : celui de peuples qui se sont tour à tour méfiés d’elle, avant de l’apprivoiser et d’en faire aujourd’hui un lieu de plaisance et de production. Qui de l’art ou de notre pratique a-t-il précédé l’autre ? A-t-on domestiqué la montagne parce qu’on l’a représentée, ou s’est-on mis à la représenter parce que nous l’avons apprivoisée ? Peu importe, si ce n’est qu’étudier son histoire, c’est étudier le rapport de nos sociétés à un certain type de paysage.

Dans l’art occidental, la représentation de la nature – genre qu’on appelle le « paysage » – est une pratique relativement récente. Bien que présente depuis l’Antiquité, il faut véritablement attendre la Renaissance et la Réforme protestante, qui interdit les représentations mythiques et héroïques, pour voir se développer une première peinture de la nature.

Peindre la montagne : une évidence ?

Dans toute cette production, la montagne fait figure de grande absente. Cela tient essentiellement à la crainte naturelle que l’homme a toujours ressentie pour cet espace hostile et dangereux. Cette absence est confirmée dans la première peinture de paysage, du fait même de la nature des territoires qu’occupaient alors ces premiers artistes qui représentaient la nature telle qu’ils la voyaient. Ces peintres, dont on a retenu les noms de Salomon van Ruysdael, Pieter de Molyn ou encore Jan van Goyen, sont pour la plupart des peintres des Pays-Bas du siècle d’or néerlandais (1584-1702). On y peint des marines dramatiques, des forêts de pins isolées, des chutes d’eau crépusculaires. Rares sont les peintres qui s’aventurent à représenter des montagnes – à l’exception de ceux qui font le voyage jusqu’en Italie, à l’instar de Paul Bril ou Nicolaes Berchem, qui la représentent aux xvie et xviie siècles, mais toujours en fond de scènes pastorales ou animalières.

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