L’épilogue de la bataille des retraites qui se joue en ce mois de mars finissant semble déboucher sur un double phénomène : l’accroissement des tensions au sein de la société et l’ébauche d’une recomposition du paysage politique.
Stratégie de la tension
Le président de la République n’a pas bougé d’un iota lors de son intervention télévisée du mercredi 22 mars : il a adopté une posture ferme avec comme argument la légitimité électorale. Difficile pour les partis d’opposition de lui contester cela, tous, excepté le Rassemblement National, ayant appelé à voter pour lui. La stratégie présidentielle semble aujourd’hui claire : enterrer le mouvement social grâce à un futur revirement de l’opinion publique. Pour cela, le président ne fléchira pas et profitera des violences que le pouvoir aura su susciter tant psychologiquement que matériellement.
Discréditer un mouvement en encourageant la violence et en se plaçant en recours comme « parti de l’ordre » n’a rien de très nouveau mais il faut reconnaître à Emmanuel Macron qu’il ne recule pas là où d’autres ont plié par le passé. Le large soutien médiatique dont il dispose explique probablement aussi cette ténacité.
Cette stratégie de la tension peut inquiéter. Dans un pays déjà en proie aux multiples fractures (sociales, générationnelles, culturelles ou encore ethniques), on ne peut pas se réjouir de voir une nouvelle ligne de front s’ouvrir.
L’après retraite dans le viseur
Si la rue gronde et que les mobilisations donnent lieu à des scènes de violence, côté politique (institutionnelle) personne ne croit au grand soir quand bien même quelques Insoumis jouent le jeu sur des plateaux télévisés. Le président a écarté dans l’immédiat une dissolution et un remaniement. Le remaniement devrait néanmoins avoir lieu dans les mois à venir, le Premier ministre Élisabeth Borne ayant largement montré ses limites. Quant à la dissolution, si elle est une option envisageable durant ce quinquennat, on peut se demander si Emmanuel Macron n’envisage pas de prolonger l’aventure avec cette majorité relative qui vaut toujours mieux qu’une cohabitation lors d’un second mandat. La stratégie présidentielle semble surtout être aujourd’hui en une opération séduction en direction des Républicains. Si Éric Ciotti et Bruno Retailleau ont rejeté cette idée, le débauchage de nouveau cadre n’est pas impossible surtout en cas de remaniement.
De l’autre côté de l’échiquier, le secrétaire général du Parti Socialiste plaide pour « bâtir un projet de coalition » avec les différentes composantes de la gauche. Une démarche qui prolongerait l’accord électoral de la Nupes en une dynamique de prise de pouvoir.
Une droite LR indécise, une gauche unie et un RN dans l’attente. Le jeu politique a rarement paru aussi ouvert en France. En 2027, Emmanuel Macron quittera le pouvoir ; et si comme Jacques Chirac et François Mitterrand il attache peu d’importance à sa succession, son édifice centriste pourrait s’effondrer. Si tel est le cas, la droite LR a tout intérêt à faire cavalier seul.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
- Mélenchon : la partition victimaire du joueur d...
- Absence du pape François à Notre-Dame : une bie...
- Bayrou Premier ministre, Emmanuel Macron remet...
- Requiem pour la Syrie
- Motion de censure, le bal des hypocrites
- Macron : la repentance et la France en tout petit
- Motion de censure : le crépuscule de Michel Bar...
- La pénible litanie féministe
- Alliance contrainte, alliance éphémère ?
- Les « irremplaçables », une autre facette du co...