Si vous croyez tout savoir de l’épopée de Jeanne d’Arc et pensez que les grandes figures nationales sont vouées à une respectueuse vénération et au formol des musées, passez votre chemin ! Si, en revanche, vous aimez l’esprit français, l’ironie, les détournements, les textes à clefs et la virtuose alacrité, jetez-vous sur cet objet littéraire non identifié ! Nous recevons aujourd'hui Xavier Eman, co-fondateur des éditions Livr'arbitres pour la parution d'un inédit de Pierre-Antoine Cousteau, "Jehanne au trou".
Liberté Politique : M. Eman, comment avez-vous pu approcher Jean-Pierre Cousteau, fils de l'illustre Pierre-Antoine Cousteau et comment vous est venue l'idée d'éditer un tel document inédit ?
J’ai eu l’occasion de discuter assez longuement avec Jean-Pierre Cousteau – que j’avais déjà rapidement croisé à une réunion de l’Association des Amis de Robert Brasillach - lors d’une des soirées « Livr’arbitres » que nous organisons à Paris à la sortie de chaque nouveau numéro. J’avais par ailleurs également préfacé un recueil d’aphorismes de son père paru aux éditions de la Nouvelle Librairie. Au cours de cette soirée, j’ai découvert un homme charmant tout entier dévoué à la mémoire de son père. Après une carrière de médecin, il consacre en effet l’essentiel de sa retraite à oeuvrer à la réédition des œuvres de « PAC » et à la publication des textes inédits qui ont échappé aux vols et destructions de l’épuration comme aux aléas du temps. C’est donc au cours de cette conversation qu’est née l’idée du publier « Jehanne au Trou » qui serait ainsi le premier ouvrage proposé par la nouvelle maison d’édition que nous venions de créer en lien avec la revue et dont le principal maître d’œuvre est Patrick Wagner.
Plusieurs raisons expliquent la non-publication de ce texte jusque-là. Tout d’abord, bien évidemment, l’opprobre et l’omerta qui entourent la plupart des « vaincus » de 1945 et d’autant plus ceux qui n’ont jamais renié leurs engagements. Plus de 75 ans après, ils doivent encore payer pour leurs choix, quelle que soit la qualité et l’intérêt des œuvres qu’ils ont produites. Par ailleurs, ce texte est une pièce de théâtre, un genre hélas aujourd’hui peu apprécié des lecteurs sous la forme livresque. Et comme l’édition est aussi une question commerciale… Enfin, troisième raison, la pièce de PAC présente une vision très « iconoclaste » de Jeanne d’Arc, assez éloignée de l’image classique de la Sainte. Cet aspect – même si Jeanne reste néanmoins le seul personnage positif et sympathique de la pièce - a pu éloigner certains éditeurs bienveillants envers l’auteur mais craignant de choquer leur public catholique.
LP : Pouvez-vous nous présenter l'ouvrage en quelques mots ?
« Jehanne au trou » est évidemment une pièce à clefs. Rédigée derrière les barreaux de la prison de Clairvaux, c’est une allégorie de la situation de l’auteur. Jehanne est prisonnière comme PAC, sa condamnation à mort est signée avant même le procès, elle est accusée à tort de sorcellerie comme lui d’intelligence avec l’ennemi, la France est occupée, le pouvoir aux mains de l’ennemi, Charles VII résiste mais n’est rien…
Sur cette base, Cousteau nous offre un texte à la fois drôle et cinglant, cruel et cru, où l’on ressent tout l’humour désabusé mais encore combatif d’un homme qui, mis au ban de la société et ayant tout perdu, peut écrire avec une entière liberté.
LP : Quel intérêt les lecteurs peuvent trouver à relire cet auteur que la littérature moderne a quelque peu relégué ?
Tout d’abord le style de celui fût certainement l’un des plus grands polémistes du siècle dernier (qui n’en manquait pourtant pas!), dont le talent a été reconnu même par ses plus farouches adversaires. Ensuite par l’originalité du thème et du traitement de celui-ci, le mélange d’ironie et de provocation, la réinterprétation (très) audacieuse d’un mythe que chacun croit connaître par cœur. « Jehanne au Trou » est incontestablement une curiosité littéraire qui mérite le détour.
LP : Quels sont les projets de la maison d'édition après la parution de cet ouvrage ?
Ils sont nombreux et ambitieux mais pas encore suffisamment avancés pour être dévoilés aujourd’hui. Disons que nous allons continuer à creuser le sillon débuté avec « Jehanne », à savoir publier des auteurs talentueux injustement oubliés ou ostracisés mais qui ont mis « leur peau sur la table ». Cependant, « Livr’arbitres » ne bénéficiant évidemment d’aucun subside ni subvention publique, la suite des publications dépendra également du succès de ce premier ouvrage.
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